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TAC! #2 – CONTRE-COURANT

Du lundi 30 mars au vendredi 3 avril 2020

Contre-courant
by Alison Bigourie

Note d’intention

« 10%. C’est l’estimation des fonds marins explorés jusqu’à présent dans le Monde.
C’est tout un écosystème, un monde parallèle, qui reste un mystère pour l’humain.
De cet inconnu nait toute sorte de mythes et d’histoires, entre monstres marins et sirènes ensorcelantes, nourrissant l’imaginaire collectif. Un univers fantasmagorique dont nombre d’artistes s’inspire. Mais au-delà de l’imaginaire, c’est une prise de conscience qui s’opère. Les artistes rendent comptent de la réalité et des enjeux écologiques : la faune et la flore en danger, l’ensemble de l’écosystème marin menacé. L’artiste s’approprie ces sujets, les interroge et entame un processus de transformation de la matière et fait naitre une création, laquelle devient œuvre, sujet à témoigner mais aussi à nous enchanter, à nourrir une part de rêve et de beauté ».

 JOUR 1: EXPLORATION

  • Camille Mazier, Escape, Extrait de la série « Il n’y avait pas d’autre issue que le silence »

« Il n’y avait pas d’autre issue que le silence
alors je suis allée le chercher
aussi loin qu’il le fallait
et encore au delà
pour échapper au monde réel
l’espace d’un instant. »
En surface, la série « Il n’y avait pas d’autre issue que le silence » est née de deux séjours hivernaux au-delà du cercle polaire arctique, sur la côte norvégienne, en 2015 et en 2016. Camille Mazier trouve son exutoire dans cet environnement glacial, blanc, silencieux, et une mer déchaînée qui dévoilent une lutte des éléments, un univers brutal et sanguinolent.  Camille Mazier propose un regard thérapeutique et salvateur sur l’océan : brut, déchaîné, sombre, incontrôlable, changeant, au même titre que les émotions.

Intégralité de la série « Il n’y avait pas d’autre issue que le silence » ici.

  • Julie Maquet, Conques, 2017, pneus de vélo, 436 x 290 cm

 

Julie Maquet joue sur les accumulations et suggère ici une œuvre dans laquelle l’ondulation et l’effet hypnotique de ces formes ambiguës qui envahissent l’espace au sol évoquent un monde animal et végétal. Elle utilise des pneus de vélos, objet roulant roulé sur lui-même pour créer ces formes proches du mollusque du même nom que l’on trouve dans la nature, interrogent la notion de standard et de masse.

Ces formes mouvantes et curieuses évoquent l’idée des fonds marins, couverts de coraux et de flores, qui semblent s’élever et danser au gré des courants marins. Les conques se développent jusqu’à recouvrir et s’approprier l’intégralité de l’espace si aucune intervention l’en empêchant n’est commise.

Œuvre en coproduction avec la Maison de la Culture d’Amiens.
 

 

 

  • Marion Richomme, Stereacae, 2015, Quarante faïences émaillées, dimensions variables

« Curiosités biologiques et spécimens rares ; Stomatopoda Solis, Khelona Cellula, Ectoplasmes, cette myriade de formes est issue du récolement artistique de Marion Richomme. En s’intéressant à un monde organique alternatif, l’artiste offre des possibilités d’interprétations insolites et inattendues. Stereaceae fait alors son apparition. Ses créatures, hybrides, indéfinies et étrangement familières sont figées dans la faïence gravée, émaillée et veinée de rouge. L’ambiguïté de chaque individu rappelle certains regroupements de coraux. Cette colonie céramique installée au mur est composée d’une quarantaine d’éléments regroupés de manière idéale pour imiter les constructions fongiques naturelles. Marion Richomme fait sortir de la cimaise, son espèce inédite qui s’apprête à envahir l’espace. L’observation des structures et de la formation des enveloppes et des tissus biologiques, amène à nouveau l’artiste à explorer une biodiversité artistique contemporaine ». Léo Bioret, 2015, Extrait du dossier de presse pour l’exposition « Inconnaissance [Terres] », 2015.

JOUR 2: EXPLOITATION
  • Julie Escoffier, Waiting to Catch You, Vidéo 13.59, Jardin botanique, Montréal, 2014

Renversée, se balançant au bout d’un fil, la caméra chute dans l’eau, elle devient l’outil du pêcheur d’images, qui, après avoir réunit les conditions possibles de la prise, adopte une position d’attente le temps de la tombée de la nuit.

« Dans la pêche, il y a quelque chose de passif. Selon moi, le pêcheur comme le photographe est un instinctif. Une fois son lieu de pêche trouvé, il s’installe, met en place son dispositif de pêche pour que “ça marche”, il se tient prêt, “aux aguets”, lui ne fait rien. Il ne réagira qu’après la prise du poisson. Les choses surviennent en dehors de son action en tant qu’actif. Dans mon travail en général, j’aime cultiver ce goût pour la passivité ».

Extrait d’un entretien avec Aurèle Parisien, exposition « À l’ombre de mouche », Les Territoires, Montreal.

Au-delà de la passivité, c’est ici la démonstration de la domination de l’homme sur sa proie. L’outil de la pêche se veut arme, contrariant l’écosystème fragile des milieux marins à petite échelle au regard des pêches massives en eaux profondes altérant les fonds marins au quotidien.

 

 

  • Victor Vialles, Easy Gift, 2015, Technique mixte, 200 x 200 x 200 cm

 

                                                                   Une carcasse de matériaux bruts, de verre, de métal et de bois, aux allures d’épave figée au fond de l’eau. Victor Vialles donne une second souffle de vie à des matériaux abandonnés qu’il transforme et assemble en quête d’un équilibre certains.

Tantôt fragile, tantôt brut, il pourrait illustrer les sols marins pavés d’épaves ou d’objets intrus. Le traitement du verre se veut rappel une fois encore les mouvements et la force exercée par l’eau, à contre courant. Tandis que son équilibre précaire fait écho à l’équilibre fragile de l’écosystème contrarié par les routes maritimes parfois saturées.

 

  • Aurélia Zahedi, Sans titre, 2013, Installation, dimensions variables, Paillettes argentées, poissons morts

Aurelia Zahedi joue avec nos émotions. Elle nous attire vers son œuvre, elle nous séduit à grand coup d’esthétique et en l’occurrence, de paillettes, pour ensuite nous rappeler à l’ordre. On découvre dans ses œuvres aguicheuses un élément central, ici des poissons (des bars) morts, étouffés par cet amas de paillettes argentées. En cela, ces paillettes font échos aux déchets qui obstruent les mers, nuisant à la vie de ses habitants. Elle déguise la mort, la sublime, pour transmettre son message, violent : l’exploitation du monde tend vers la mort. Elle nous fait basculer. De là nait une émotion palpable, c’est ce qu’elle recherche. Elle donne au spectateur la sensation d’une fin, tout en lui rappelant la beauté éphémère qu’est la fragilité du vivant.« Le dégout ne doit jamais prendre le dessus et la beauté se salir à peine ».

 

JOUR 3: RÉSURGENCE

 

  •  Nicolas Floc’h, Structures Productives, Récif Artificel, Japon, 2013

Les récifs sont des villes sous-marines construites par l’homme et immergées le long des côtes. Ce sont des ruines inversées qui œuvrent à la prolifération de la faune et de la flore sous-marine. Ces structures se transforment au fil du temps en véritables sculptures vivantes.

Nicolas Floc’h liste, classifie et reproduit ces récifs par des maquettes et des photographies, au croisement de la recherche scientifique, de la sculpture, de l’architecture et de la photographie. Des écosystèmes hybrides révélés, créés pour être cachés mais finalement révélés au grand jour pour une prise de conscience effective.

 

  •  Miguel Rothschild, De profundis,  2018, impression sur tissu, ligne de pêche, boules de plombs, 900 x 800 x 400 cm. Installation au St Matthäus Church, Berlin, 2018

 

 

 

Les rayons du soleil se faufilent sur l’eau. Non ce n’est pas un mirage, c’est l’effet rendu par cette installation de Miguel Rothschild. De profundis est une installation filaire constituée de fils nylon (lignes de pêche) et boules de plombs, qui ne sont pas là pour pêcher le poisson mais qui viennent soutenir la mer, créée de tissus imprimés.

L’eau est en suspension, légère, grande, impressionnante. Elle semble nous envelopper. La mer (métaphore du Monde) est alors élevée au rang divin. .

Entre le sacré et le profane, le divin et le terrestre, c’est là qu’il place son langage visuel, un langage qui donne une forme picturale aux métaphores liées à l’insondable. Il joue avec le sujet et l’objet, avec la vision d’une part et l’entrée dans le regard de l’autre.

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JOUR 4: FINAL
  • Apolline Grivelet, Gilliatt, Installation avec corail vivant, os humains et matériaux divers

 

 
« Les restes centenaires d’un homme, la vie millénaire d’une très simple créature : Gilliatt est d’os et de corail, Gilliatt est une œuvre littéralement vivante. Plus qu’une pièce, il est un processus en perpétuel développement. »

Apolline Grivelet s’approprie des éléments minéraux, végétaux et humains pour explorer les phénomènes de développement dans les milieux marins. Par le biais d’un crâne humain centenaire, elle lui redonne un souffle de vie et le ramène à l’existence sensible via cette sépulture marine, silencieuse mais captivante. Le crâne accueille alors flore et faune qui font fonctionner son organisme. Un squelette corallien se développe, recouvrant la vanité de l’homme.

Apolline lui confère une existence infinie au creux d’un océan serti de verre à la machinerie lourde pour le tenir en vie et recréer des conditions marines idéales pour son développement. Installation mère de son état, en découlent au long terme d’autres installations. Sous l’eau, « seul un homme sans poumon peut prospérer ». À suivre…