
« Santé mentale. Symptômes d’un monde fêlé », Manière de voir, n°203, octobre-novembre 2025
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« Santé mentale. Symptômes d’un monde fêlé », Manière de voir, n°203, octobre-novembre 2025
Manière de voir, la revue issue du mensuel Le Monde diplomatique, consacre son nouveau numéro à la santé mentale et à ses enjeux sanitaires, politiques et sociaux, alors que celle-ci a été déclarée « grande cause nationale 2025 ».
Sous la coordination d’Angélique Mounier-Kuhn, ce numéro réunit des contributions de journalistes, de chercheur·euses, de psychiatres et de médecins, structurées en trois grandes thématiques : Histoire(s), Souffrances et Soigner. Des infographies et ressources ponctuent la lecture, tout comme des œuvres d’artistes, notamment des dessins de Nazanin Pouyandeh ou des photographies de Roger Ballen. Hormis cinq articles inédits et quatre articles d’archives, la majorité des textes avaient déjà été publiés dans Le Monde diplomatique, entre 2011 et juin 2025 pour le plus récent. Ce choix éditorial souligne la continuité d’une réflexion approfondie sur un sujet ancien, mais désormais placé au centre du débat public.
La première section revient brièvement sur l’histoire de la psychiatrie et de la prise en charge (ou non) des patient·es. C’est le cas de l’article d’archives du sociologue Robert Castel, qui date de juillet 1980, mais aussi de l’enquête « Mourir de faim sous Vichy » de Benoît Bréville (inédite). La plupart des autres contributions de cette première partie sont ancrées dans notre présent et rappellent combien le soin dépasse le cadre strictement médical pour s’inscrire dans un rapport de pouvoir, de normes et de représentations sociales.
Viennent ensuite les chapitres consacrés aux « souffrances ». Les auteur·ices mettent en lumière le poids des conditions de travail, de la précarité, de l’isolement social, des inégalités, mais aussi des menaces globales telles que la crise climatique, les guerres ou l’instabilité politique. La souffrance psychique y apparaît comme le reflet d’un monde lui-même en crise et l’infographie « Comment ça va, toi ? La santé mentale des jeunes en France » y est d’autant plus pertinente.
Enfin, la dernière partie interroge les pratiques de soin. En écho à la première partie, plusieurs articles soulignent le désengagement progressif de l’État et la fragilisation de la psychiatrie publique, contrainte davantage de gérer que d’accompagner les patient·es sur le long terme. La place dominante des traitements médicamenteux y est discutée face à d’autres approches comme la psychanalyse, la psychothérapie ou encore des initiatives communautaires. L’ensemble insiste sur la nécessité d’envisager le soin de manière globale : prendre en charge une personne suppose de tenir compte des contextes sociaux, économiques et culturels dans lesquels elle évolue.
Par son articulation entre histoire, critique sociale et réflexion sur les pratiques et le soin, ce numéro de Manière de voir offre une introduction documentée à un enjeu collectif majeur. La santé mentale s’inscrit ici moins dans la sphère de l’expérience individuelle, apparaissant avant tout comme le reflet des déséquilibres et fractures qui traversent notre société contemporaine.