Nicolas Tourte
Né en 1977 à Charleville-Mézières, Nicolas Tourte vit à Lille et travaille en tous lieux.
Après un cursus l’ESAD de Valenciennes, il se focalise sur la notion de cycle et entretient un lien fort
avec l’architecture. Les sciences du vivant le guident dans ses recherches, il questionne avec humour
et dérision la place de l’homme dans l’univers. Dans l’aire du numérique il oscille entre le zéro et le un.
Dans cet entre-deux, cet interstice, il jubile de ses trouvailles inventives.
En 2015 il réside à Rome et imagine l’installation vidéo monumentale «Lupanar» dévoilée lors du festival
Interstice #10, Caen.
En 2016, «Vues stratigraphiques», une série de photomontages mise en rapport avec la guerre des tranchées,
fait l’objet de l’exposition personnelle «Etat crépusculaire», au Musée de la Piscine, Roubaix.
EN 2017 «Visions intermédiaires», une exposition au Château d’Hardelot aux allures de rétrospective.
En 2018, il est invité à la Biennale Gran Taipei / Taiwan et expose ses recherches sur les phénomènes
naturels à Katowice / Pologne pendant la COP 24, Cooldown avec l’Alliance Française.
HYAM choisit Nicolas Tourte en 2019 pour inaugurer sa première carte blanche à un artiste français
sur l’île d’Hydra. Il participe à l’exposition «Plein vent!» commissarisée par COAL à la Halle au sucres,
Dunkerque.
En 2020 il conçoit Éllipses, commande de la Route des Villes d’Eaux du Massif Central, présentée à
Vidéoformes,
Clermont Ferrand.
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Lupanar
Lupanar, 2015 (v1)
Installation vidéo
Dimensions : 800 cm x 600 cm x 700 cm
Production: Station Mir / Interstice / ESAMLe temps s’écoule. Il n’est pourtant pas de l’eau.
Mais les deux agissent comme des agents responsables de l’évolution d’un processus.
Puis nous éclaboussent.
Le Temps, chargé de toute sa force poétique et sûr de son bon droit sur tout et sur chacun, poursuit sa course folle,pensant ne
jamais rencontrer d’obstacle. Mais la prétention de son déroulement inlassable finit par se heurter au barrage de l’idée qui s’oppose.
Le concept devient alors image et prend forme. De la rencontre, souvent inattendue et imprévisible, avec une oeuvre se manifeste
l’érosion du pouvoir d’un sablier infernal devenu à la longue, compte à rebours.
Si c’est le fait d’être rongé qui importe… l’eau peut faire l’affaire. Elle aussi se déchaîne et ne connaît pas de limites. Ni dans l’espace,
ni dans l’action. Susceptible de provoquer la modification des reliefs, des paysages, des frontières. Par transport, par accumulation,
par sédimentation, par éclatement, l’eau gagne du terrain. Et si l’eau venait à manquer, la source à se tarir, l’homme n’aurait plus qu’à
s’en souvenir, qu’à conserver une image précieuse de cet élément qui, du fait de son état liquide, nous échappe.
Une réminiscence qui peut surgir à n’importe quel moment, un tourbillon, une « l’âme » de fond. Où l’eau des larmes du monde
serait alors la seule liquidité. Les sillons des pleurs déversés, qu’ils soient aussi joie ou simple émotion, deviendraient flaque, ruisseau,
fleuve…
Par-delà la mer,
Le besoin d’étancher sa soif de voir et d’éprouver,
A Pompéi, à l’époque, pousser la porte d’un lupanar c’était entrer dans un lieu sordide, ni engageant ni confortable, où Juvénal
dresse le portrait d’une prostitution maussade.
A Pompéi aujourd’hui, se dresse en ruines un unique lupanar à l’entrée duquel subsiste une peinture d’un Priape aux deux phallus.
L’éruption du Vésuve n’a pu effacer toute image d’une énième renaissance. Dans un processus de cycles sans doute. Un dieu de la
fertilité, le flot de la vie à sa source, le flux. D’une force liquide déchaînée à une autre, le Lupanar de Nicolas Tourte – revenu de ses
errances romaines après des semaines de travail à l’atelier Wicar, proche des rives du Tibre à ses heures tumultueux – est un torrent
qui s’écoule bruyamment et virtuellement en circuit fermé. Un tracé comme un boyau, une artère, un tube allongé et déformé
ondulant dans l’espace, du sol au plafond, se mouvant comme un serpent qui encercle le spectateur submergé. Cette installation
vidéo monumentale est une des projections possibles du caractère cyclique de l’Histoire et de notre condition. Ce serpent est un
torrent. Ce torrent est un serpent. Tout cela ne tient qu’à un fil. Qui se déroule sur plus de 40 mètres de long. Le torrent devient
cordon ombilical relié à lui-même dans lequel tourbillonne en boucle la vie, l’eau. Un assemblage de segments, plus ou moins agités.
L’écoulement captive, les contours roulent et s’enroulent dans une forme circulaire résultant peut-être d’un hexagone qui a mal
tourné. Un mouvement sans début ni fin.
Mais tout n’est pas si sérieux. Juste vertigineux.
La démarche et le travail de Nicolas Tourte sont à la fois lucides et ludiques. Son regard s’amuse de ce qu’il perçoit du monde, à un
moment donné. S’opère alors une sorte de détournement de fond, sous une forme indomptable : le serpent-torrent. La vidéo impose
ses règles et se joue sans mauvaise intention du spectateur-promeneur. Il peut y voir, mirage ou vision fulgurante, l’ouroboros, un
des dessins de ce serpent qui se mord la queue, rappelant l’éternelle unité de toute chose. Le lupanar est en soi un espace de jeu. Et
le passant s’y divertit. Celui qui s’y attarde, médite.
Cette installation vidéo permet une expérience stimulante, celle de sentir le flux, la pression du sang qui circule, qui coule en nous
et au-dehors, dans un mouvement où les trajectoires se confondent, où le son comme résonnance vient à la fois de l’intérieur et de
l’extérieur. La poésie de ce travail rivalise avec sa puissance, surtout si elle se mesure en débit et en mètres (cubes) !
Je n’ai plus soif.(Virginie Jux)
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Paraciel
Paraciel, 2009-2021
Installation vidéo, dimensions variables////////////////////////
« Par delà les nues, Paraciel de Nicolas Tourte »
Le nuage est par essence instable et insubstanciable, pourtant au XXIème siècle beaucoup d’artistes ont voulu le capturer, le mettre en boite, reproduisant même ses conditions d’apparition. Face à ces œuvres où le nuage est sujet, force est de constater qu’il continue d’exercer la même fascination que chez les artistes de la Renaissance ou du XIXème siècle. La place du nuage dans l’histoire de l’art occidental est complexe car sa fonction varie selon les époques c’est pourquoi nul ne saurait dire quelle est la fonction des nuages de Nicolas Tourte ; les interprétations sont libres. Dans Paraciel, des nuages en mouvement sont projetés sur un parapluie posé à même le sol, le tissu du parapluie sert d’écran et de toile. Un parapluie protège de la pluie, un paratonnerre du tonnerre, de quoi protège Paraciel ? Est-ce pour éviter que le ciel nous tombe sur la tête que Nicolas Tourte a construit un Paraciel ? La chute du ciel, réfère à la cosmogonie celtique -où la voute céleste est soutenue par des colonnes- ainsi qu’aux mythologies nordiques notamment au Ragnarök germanique. Le nuage est plastique, il varie et n’est jamais le même, symbole de douceur cotonneux et ouaté, il peut aussi être inquiétant, suspect, angoissant, ses contours pouvant se dissoudre jusqu’à totale évaporation c’est-à-dire disparation. N’est-ce pas alors notre finitude que Nicolas Tourte interroge par ce Paraciel ?
Dimension eschatologique chez les Celtes, dimension spirituelle et sacrée pour les hommes de la Renaissance, quelle dimension cette représentation revêt-elle pour nous aujourd’hui ? Dans une de ses installations, Homo Disparitus, il fallait lever la tête tel un oculus de la Renaissance pour voir apparaître, par un trou dans un plafond effondré, le ciel et ses nuages, dans Paraciel, le parapluie est échoué au sol, il nous faut baisser la tête, à l’ère de l’anthropocène, la chute est-elle déjà là ? Peut-être mais Paraciel nous protège, il y a de l’espoir c’est là sa poésie.Céline Berchiche, mars 2021.
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Ellipses
Ellipses, 2020
Installation vidéo
Dimensions : 300 cm x 200 cm x 100 cm
Production : Vidéoformes, La route des villes d'eaux du massif central.