Mathieu Archambault de Beaune
C’est d’abord la dérive d’une nécessité. Celle d’être entouré d’objets. On nous les donne, on en possède, les ramasse, les fabrique, les transforme, pour au final les accumuler. Leur ultime rôle: être les seuls résidus d’une vie, définir son propriétaire et devenir les reliques de son existence. On devrait penser l’arbre généalogique à l’aide d’objets. La parole-souvenir et le récit historique s’estompant, j’espère que la matière, elle, reste pérenne, pour que tous les objets deviennent des ossements.
Comment s’occuper lorsqu’on ne fait rien, comment s’amuser sérieusement, comment voyager sans but ? Je fais semblant par peur de l’aporie, je ne réponds en fait à rien, si ce n’est au besoin de traduire et de transformer des situations banales, de les sublimer, de les fantasmer.
Cela m’apparaît parfois comme un prétexte. On se raconte tous des histoires, on ment pour rêver, on s’imagine pour s’aider à construire. L’épopée d’une vie a besoin de matériel héroïque et d’assistants viatiques: pourquoi les objets n’en seraient-ils pas?
Tout ce vocabulaire de formes engendre des images, des objets dont le rôle qu’on leur attribut est vecteur de narration. C’est parce que je les utilisent d’abord pour jouer, raconter ou bloquer la porte du réfrigérateur que chacune des sculptures me servent. Toutes patientent avant le grand potlatch, avant d’être assemblées pour édifier un nouvel ensemble, avant de participer à un système sculptural.
Les outils, les objets, les matériaux ont toujours depuis homo faber joué ce rôle de combler, d’abord un manque de pouvoir puis l’ennuie et le silence. Aujourd’hui ils ont acquis pour moi une position particulière, ils sont devenus des acteurs bavards .
Lorsque la contemplation du réel devient fulgurante, il se créé des anomalies, des transfigurations de l’esprit. C’est alors que l’autofiction devient un jeu de tous les jours. On s’imagine néo-animiste, un bloc de mousse polyuréthane vaut autant celui de marbre. Et l’on croit aux règles absurdes qui nous gouvernent: le jeu oscille entre les limites du profane et du sacré.
Ma volonté de graver des images se situe entre le dessin et la sculpture. Adepte du carnet de dessin itinérant c’est ainsi que j’ai construit une relation directe entre la représentation d’objets et l’objet lui même.
L’intérêt de la gravure à l’eau-forte s’inscrit aussi bien dans le processus que je rapproche de la sculpture de part les outils utilisés et de l’objet final auquel j’apporte beaucoup d’importance.La sensibilité et le mystère que j’entretiens avec la matière et les choses se retrouvent dans la plaque terminée. En effet la plaque est ici considérée comme un bas relief, un début de sculpture ou du moins une surface mode- lée faisant le pas entre image et objet tridimensionnel. Ainsi cela évoque le caractère haptique de l’objet complétant ma réflexion de sculpteur.
La gravure représente ce pont qui à mes yeux met en évidence un volume mince, un paysage de métal quasi microscopique fait de creux et de pleins. Je dessine des images d’Épinal ou des notices se référent à mes sculptures dans lesquelles je me mets en situation, comme un aventurier casanier. Ainsi elles deviennent l’apanage de mes sculptures.
Elles montrent une possible utilisation vecteur d’un ailleurs et de scénario fantasmés. Ces gravures sont un point important de mon travail par la confrontation et le dialogue qu’elles entretiennent avec les objets sculpturaux que je fabrique et montrent.
De plus j’envisage ces images gravées comme des événements venant clore un moment et une fabrication d’objet. Elles s’éloignent ainsi du croquis préparatoire ou de l’imagination picturale (découlant sur une sculpture), au contraire, ces images confirment mes jouets sculpturaux, les rendant encore plus réels à mes yeux.
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Super outil
2012
Bois, mousse polyuréthane, ficelle, manteau fourrure, chaussures .
310x100x300 cmA la manière d’un jouet sculpturale ou d’un outil symbolique, cet assemblage d’objets métaphoriques participent à une construction narrative. Ce système empreinte plusieurs éléments à des univers tels que le théâtre et ses costumes ou l’outillage.
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Plan relief absolu
2013
Bois, métal, mousse polyuréthane, bache pvc.
600x150x230cmCe duo plastique disparate, moelleux/froid, mobilier/démesuré, lisse/ombragé évoque le voyage impossible et sa géographie.
Entre montagne et abysse nous pouvons ici éprouver les deux, c’est une maquette absurde, une tentative cognitive ridicule de regrouper des immensités par l’intermédiaire de formes substantielles. -
Le cabinet Ars moriendi
2015
mousse polyuréthane, sapin, bois flotté, ficelle, céramique émaillé, verre, aluminium.
200X80X90 cmC’est une forme architecturale populaire, une cabane ou un cabinet, un lieu de passage, où l’on pense et patiente.
Un gisant et un récipient rempli de dents indique une atmosphère morbide, l’extérieure est brute tandis que l’intérieure est immaculé et lumineux. Il y a un dehors et un dedans. -
Solution numéro 1
2012
Bois, bronze,métal, ficelle, tissus, ressort.
120X120x170cmA mis chemin entre le jouet morbide et un objet fonctionnel et mystique. Il est censé s’activer manuellement en tirant sur la ficelle, provocant ainsi la vie. Il se créé une danse macabre rythmée par le bruit de la machoire en bronze frappant le crâne en bois.
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Os resectum
2017
Pin, mousse polyuréthane, céramique, pièces métalliques.
dimensions variablesProtégées et exposés comme des pièces rares dans leurs écrins de velours. Remplacée par de la mousse, leur boite de bois se substituant au temps en fait le plus beau des contenants. Elles sont les outils de toujours de l’homo faber. Ensemble elles forment un vocabulaire rempruntant des signifiants. Redressées pour devenir des sculptures, elles deviennent des éléments, des objets aux fonctions que l’on ne connait pas.