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Les Hauts-de-France, une source d’inspiration pour les artistes contemporains

L’été dernier, les ateliers virtuels mis en place par le Collectif Culturel de Proximité (CCP) nous introduisaient la pratique d’une dizaine d’artistes installés dans la région d’ex Picardie, dans les départements de l’Aisne, la Somme et l’Oise. Si certains d’entre eux sont originaires de la région à l’instar de Clément Borderie, d’autres s’y sont installés au cours de leur vie, en partie pour bénéficier davantage de place pour leur atelier tout en restant proche de la région parisienne, accessible rapidement par voie ferroviaire. Interrogeant les enjeux de leur installation dans la région, ces ateliers mettaient en lumière le lien qu’entretiennent les artistes avec le territoire, notamment d’un point de vue artistique. Pour Jörg Langhans, Isabelle Cavalleri, Raúl Illarramendi ou encore Georgia Russell, la région devient une véritable source d’inspiration qui, si elle s’inscrit dans la continuité de leurs recherches plastiques, influence et renouvelle leur pratique artistique.

 

Jörg Langhans : être habité par le monde.

Originaire de Bonn (Allemagne) Jörg Langhans vit et travaille à Angy (Oise) depuis plus de quatorze ans, avec sa compagne, l’artiste Isabelle Cavalleri. Cette installation dans les Hauts-de-France est bénéfique pour son travail qui, en prise avec le paysage, se nourrit de l’environnement qui l’entoure. Il se déplace sur le territoire, en explore les confins, afin d’en capter les formes, les mouvements et en retranscrire l’écriture. Il en extrait des parcelles, des motifs qu’il isole, déconstruit et répète au sein de séries qu’il leur dédie. “Les Écorces”, “In my Garden” ou “Diary of the Landscape” témoignent d’une perception singulière du paysage qui, transformé, transfiguré par le regard de l’artiste, devient le réceptacle de sa sensibilité. Loin de fournir une description du monde, les œuvres de Jörg Langhans traduisent une façon d’être au monde, une manière de l’habiter et d’être habité par lui, à l’image de son “voyageur immobile” faisant entrer ce dernier au cœur d’un torse humain devenu “être-paysage”.

 

Raúl Illarramendi : re-présenter les traces

Originaire de Caracas (Venezuela), Raúl Illarramendi vit et travaille à Méru (Oise) avec l’artiste écossaise Georgia Russell. Ses œuvres prennent pour source d’inspiration les traces laissées par l’homme dans l’environnement, les tâches, les fissures, les marques d’usures. Elles traduisent et re-présentent des instants, des accidents trouvés dans la rue avant d’être intégrés au processus créatif de l’artiste. Afin de conserver la naturalité du motif isolé, le procédé graphique employé par Raúl Illarramendi évacue la main de l’artiste. Le motif émerge du fond préparé à la gouache, du crayonnage patient de la surface, telle une empreinte captée et recueillie par l’artiste. Débutée avant son installation dans la région, cette pratique se poursuit et se déploie sur le territoire des Hauts-de-France, devenu à son tour source d’inspiration.

 

Georgia Russell et les filtres de lumières

Lors d’une rencontre dans son atelier à Méru, en avril 2021, Georgia Russell nous confiait être inspirée par l’espace qui s’offre à elle, notamment par la vue depuis son atelier, où se juxtaposent bâtiments patrimoniaux, musée de la nacre, tours HLM, château d’eau et une multitude d’arbres, dont un cerisier filtrant la lumière. Cet arbre lui inspire une œuvre, la première qu’elle réalise dans son nouvel espace de travail, superposant plusieurs couches de toile peintes et incisées. Au moyen de milliers de fines incisions et de tonalités gris/vert, Georgia Russell traduit le mouvement des feuillages agités par le vent, un spectacle de la nature qui s’offre à elle chaque fois qu’elle pénètre son atelier. L’œuvre elle-même agit comme une trame, un écran filtrant la lumière, à l’image du cerisier, à travers la multitude d’entailles qui dénudent les toiles. Plutôt que de représenter le paysage qui se donne à voir, elle en retranscrit les mouvements, les qualités intrinsèques à travers une pratique singulière où destruction devient synonyme de création et de renouveau.

 

D’autres artistes, à l’instar de Daniel Pontoreau et Clément Borderie, impliquent directement l’environnement dans le processus de création. Portant une attention particulière à l’espace et aux interactions possibles entre l’environnement et les œuvres qui y sont disposées, ils établissent un dialogue entre leurs créations et le territoire. Ce dernier influe la forme et la nature même de l’œuvre et devient un véritable collaborateur, acteur dans la création.

 

Entre source d’inspiration, sujet de représentation et collaborateur, le territoire a été décliné de multiples manières par les artistes qui le regardent. Intégré, représenté, transfiguré, il devient à travers le regard de l’artiste cette « partie d’un pays que la nature présente à l’œil qui le regarde » que l’on nomme paysage.

 

Visuel : Jörg Langhans, Le voyageur immobile XIII, 2007. Huile sur toile ; 146 x 162 cm. © Jörg Langhans