Stéphane Lecomte
Né en 1983, vit et travaille à Toulon, Master 2 Arts plastiques, Paris 1 Panthéon Sorbonne
Un parcours singulier que celui de Stéphane Lecomte. Son travail dessine une cohérence bien qu’il semble avoir vécu, déjà, des ruptures et surtout une rupture récente plus profonde. Passionné d’abord par le projet globalisant de Schwitters, mais aussi par les travaux de Filliou, il a proposé différentes séries d’installations. Ces propositions où l’humour n’était jamais absent étaient autant la manifestation d’un projet de construction d’un univers qui rendrait compte de la relation d’une subjectivité face au reste du monde. La possibilité de “bricoler” une sorte de réponse, de riposte aussi. Lecomte assume cette notion de subjectivité et de bricolage. Si les installations avaient des thématiques diverses, la rupture plus profonde à laquelle nous faisions allusion se produisit il y a quelques années alors que Stéphane Lecomte décida qu’il devait entreprendre un travail de peintre.
Là encore, différentes séries furent produites, mais cette fois, l’artiste tenait son fil rouge. Lecomte fit des acryliques sur papier, peignant les objets du quotidien, puis vint une série de mouettes. Puis vinrent les nuages. Il entreprit de les peindre sur toiles. Nuages seuls. Puis nuages au-dessus de constructions, d’espaces conçus par les hommes, réinventés par l’artiste. Puis nuages à travers des fenêtres. Le travail sur les intérieurs s’imposa.
L’espace. Là aussi repose la cohérence de Lecomte : l’obsession de la mise en espace. S’il avait construit des cabanes, parlait de “terrain idéal”, il s’agissait maintenant de mises en espace d’objets, le pinceau à la main, conservant son esprit de collagiste. Mise en espace, mise en abîme. La série suivante fut composée de toiles de lieux d’expositions sur les murs desquelles trônaient ses tableaux antérieurs, ses nuages. Lieux fréquentés par les mouettes peintes jadis et les nuages brisant les compositions, perturbant le sujet. Plusieurs polyptiques furent peints dans lesquels apparurent des figures. Figures appartenant à une iconographie commune, puis figures appartenant à l’iconographie familiale du peintre.
L’huile remplaçait l’acrylique. La peinture poursuivait ses métamorphoses qui donnaient une certitude au créateur : peindre d’après des photographies c’est détruire la fixité – la mort – qu’elles supposent. Un tableau n’est pas une image mais son contraire. Il ne fixe rien et cela grâce à l’engagement du geste. Ce n’est pas la représentation qui importe – son grand-père ou le nôtre – mais le tableau qui en résulte. C’est un geste éthique. Redonner vie en quelque sorte. De soi à l’autre possiblement. De la main du peintre à la main du spectateur. Mais aussi peindre des anonymes et non des princes relève de cette même éthique. Lecomte dit qu’il a commencé à peindre après avoir vu des Van Gogh. La liberté de ce dernier lui a semblé soudainement salvatrice, comme celle de Picasso. Il y eu la rencontre, importante, avec Jean Le Gac. Lecomte est un passionné de peinture, sans sectarisme. Il évoque, pour les plus contemporains Immerdorff, Gasiorowski ou Neo Rauch, mais évoque aussi Courbet ou le Douanier Rousseau, revient sur Schwitters ou Ernst car ses ambitions d’hier nourrissent ses ambitions du jour. Il évoque aussi bien ses luttes d’autodidactes – quand réapparaissent dans les galeries des œuvre d’artistes solidement formés – que son droit à la maladresse, la voulant créatrice, sans complaisance. L’enchaînement de ses toiles révèle sa cohérence, de plus en plus, offerte et visible par chacun. Un pas après l’autre. Vers le “terrain idéal”.
Philippe Blanchon