Savana Elahcene
Savana Elahcene a réalisé deux objets graciles qui tiennent à la fois du collet étrangleur, toutefois trop lâche pour emprisonner quoi que ce soit, et du filet à papillon, privé du précieux maillage qui pourrait récolter les insectes. Si piège il y a, ce n’est pas un appât qui se révèle traître, mais d’abord une forme de l’ordre du cocon protecteur, de la chrysalide qui tient au chaud. Les matériaux simples qu’elle utilise pour ses sculptures – laine, terre cuite, perles de verre, bois brut… – rappellent l’arte povera, et également les œuvres puissantes d’Eva Hesse, en ce qu’elles sont souvent des allégories du corps et de son chaos intérieur.
Des béances se déploient : une de ses œuvres en céramique brune, aux contours évoquant une graine ou un estomac au repos, s’ouvre telle une bouche. Sa Cellule pourrait bien contenir un petit corps fragile, mais la laine de verre qui la compose interdit tout toucher. De même, sa Navette en chêne, creusée douloureusement au couteau, suggère une barque de conte nordique, où se trament des récits chargés de sens. Cependant, le travail de Savana Elahcene n’est pas tant traversé par la violence que par la nécessité de s’attacher à incarner dans des formes des gestes lents, répétitifs et appliqués. Et, si elle évide ou excave, c’est plus souvent à travers la suture et le soin que ses mains viennent étreindre la matière.
Texte écrit par Camille Paulhan
à propos de l'exposition Dans la grange, 2018