Sabina Kassoumova
Née en 1988 à Bakou, Azerbaïdjan
Vit et travaille à Paris, France
DNSEP Art avec les Félicitations du jury, ENSAPC 2014
La photographie et la vidéo sont mes media de prédilection. En orientant jusqu’ici mon intérêt vers les vies urbaines ces deux techniques s’accompagnent et m’accompagnent dans mes parcours et rencontres en enregistrant des attitudes, des humeurs, des idées et des rumeurs. Je m’intéresse en particulier au quotidien des expatriés dans leurs pays d’accueil, en accordant la priorité au récit familier. C’est un sujet que j’explore notamment en sillonnant des territoires qui m’étaient jusque-là inconnus grâce aux personnes qui m’ouvrent les portes de leurs maisons en même temps qu’à ma caméra pour évoquer les raisons qui les ont poussées à refaire leur vie ailleurs et les défis qu’elles ont rencontrés.
J’entretiens par ailleurs une pratique de l’installation et de la performance qui s’associe à mes films et photographies lors des expositions.
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Casemates
2015
Vidéo HD
Durée : 57’13’’
Je les connais à peine mais ces personnes représentent quatre générations de ma famille. Mon cousin Vitalik, son fils de 14 ans Vova qui habite chez Natacha, la première femme de mon oncle... Enfin, c’est par la grand-mère de Vitalik, Valya, la meilleure amie de ma grand-mère, que la vidéo commence. On découvre des récits qui nous rappellent « comment la famille, c’est aussi l’enfer, avec la brutalité de ses mots et de ses jugements, où on ne s’arrange pas de la réalité, mais où les parcours de vie sont racontés dans leur vérité crue » (Laetitia Chauvin).
Mais Casemates interroge également la distance, celle que l’on prend et celle que l’on pose. Elle se traduit ici par trois prises de position qui peuvent paraître radicales : Natacha explique avec ardeur que le père de son fils ne mettra jamais les pieds dans son appartement alors qu’il tient à y revenir, ne serait-ce qu’occasionnellement. En l’éloignant elle se donne la possibilité d’élever leur petit-fils dans de meilleures conditions. Sa mère Valya préfère habiter seule, malgré sa santé fragile, car quitter son appartement signifierait perdre les dernières traces de son mari et de son fils, tous deux décédés. Vitalik, quant à lui, est dans un registre différent. Emprisonné pour une énième fois, il se met à l’écart de la société dans laquelle il n’arrive plus à trouver ses marques mais c’est ainsi que par le biais d’un autre détenu il rencontre la femme de sa vie. -
Des récits sur la carte : East Sussex
"Des récits sur la carte : East Sussex" rassemble les enregistrements de mes rencontres avec les habitants de la région du Sussex de l’Est. Ces habitants ont une caractéristique commune, ils sont des expatriés. Originaires de douze pays différents, ils vivent aujourd'hui à Newhaven, Peacehaven, Eastbourne, Brighton, Seaford, Stone Cross, Offham ou Alfriston. Ils ont accepté mon invitation de faire connaissance, d'apporter leurs histoires, face caméra, énonçant des anecdotes, des critiques, des sentiments sur leur situation d’expatriés, leurs pays, leur passé et leur présent.
Vidéo réalisée pour le Festival Diep~Haven 2016. -
Fernweh
Images extraites de livres et cadres chinés
Peinture sur verre
Dimensions variables
2017Dans la langue anglaise on entend régulièrement le terme homesickness que l’on traduit en français par « le mal du pays ». Pendant longtemps j’étais particulièrement sensible à cette idée sans toutefois pouvoir me l’approprier. Jusqu’au jour où j’ai découvert pour ainsi dire son antonyme – le mot allemand fernweh, composé littéralement de « loin » (fern) et « mal » (weh). Je l’emprunte comme titre de cette nouvelle série que je propose pour l’exposition de l’Association Florence. Le fait de ne pas parler allemand s’avère être un avantage car cela me permet de donner libre cours aux associations d’idées : ennui de rester sur place, inconsolable besoin de découverte, quête de changement, envie de prendre ses distances, de se mettre à l’écart, besoin de se retrouver ailleurs pour se sentir chez soi... D’ailleurs, les anglophones vont jusqu’à définir fernweh par « being homesick for a place you’ve never been ». Une belle antithèse qui me rappelle les pages arrachées des magazines dédiés aux voyages collées sur les murs de leurs chambres par mes amis russes qui n’avaient quitté le pays.
Je récupère donc des images provenant de diverses sources, telles Géo, National Geographic ou encore encyclopédies Ushuaïa... Je les confronte ensuite aux trames de voilages issues de mes archives familiales ou photographies réalisées lors des résidences en France ou à l’étranger qui témoignent de la survie des éléments de décoration traditionnels. Et ce malgré le fait qu’ils deviennent petit à petit désuets quand il s’agit des intérieurs citadins, les grandes métropoles adoptant de plus en plus la transparence et les jeunes générations négligeant les transitions entre privé et public. Il me semble important, à l’heure où les progrès des transports continuent à effacer les frontières, de s’interroger sur nos façons de s’approprier l’espace, de s’y projeter visuellement ou physiquement. Ces productions jouent de la dichotomie entre l’image d’un paysage inconnu et l’apposition d’un motif, familier et quelque part rassurant, faisant émerger des souvenirs d’enfance.