Raphaëlle Pia
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Toile d'araignée
Rose araignée, rose cruelle tissant un voile, sombre et délicate dentelle de nervures et filaments à la surface du monde. Rose des sables, rose des vents, étoile des mers aux branches carnassières où demeurent suspendues d'anciennes épaves de navire entremêlées de chevelures de sirènes, cartilages primitifs d'une vie disparue. Douleur des traces, relief instable, griffé de catastrophes. De ce temps aquatique fluide, ne subsiste qu'un présent solide, minéral. Seules les empreintes évoquent la puissance des plissements jurassiques. Mais la vigueur de cette absence témoigne de la splendeur argentée des baleines, du vertige des mers inconnues aux pieuvres tentaculaires enfouies sous les rochers. Rose devenue rivage de la mémoire, tu reflètes les sillons de lumière et d'écume fugaces, éternels pétales que chaque marée dépose dans tes bras avant de s'éloigner.
Mercédès Allendesalazar, novembre 2003, catalogue de l'exposition "Roses et Colonnes
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Marée 7
2014 acrylique sur soie, 122 x 122 cm
Il n’y a pas si longtemps que j’ai découvert avec mes pinceaux, les mers du nord de la France.
D’abord la Baie de Somme où la marée basse laisse un filet d’eau sinuant au milieu d’un immense désert de sable. Les nuages y projettent, de loin en loin, des taches d’ombre mobiles, alternant avec une lumière éblouissante. Le ciel, toujours mouvant, se reflète partout, dans les flaques éparses.
Plus tard à Berck, et de là en Baie d’Authie, se sont ajoutées l’immensité de la plage, la force des vagues et leur incessante musique. J’ai essayé d’observer ces parcours linéaires, frontaux, insaisissables. Il y a eu aussi, les promenades des gens, leurs passages, leur jeux, bains de mer et de soleil et, en avril, les cerfs-volants qui éclaboussent le ciel.
Autant de notes aquarellées dans mes carnets, pour les œuvres sur soies.
Mon travail consiste à trouver d’autres supports et outils, en dialectique avec mon sentiment des choses vues. Le projet d’exposer au musée Opale Sud de Berck m’a poussée vers un développement inattendu, confrontation avec le portrait d’un côté et de l’autre, la soie comme nouveau support.
Explorer de nouveaux continents est à la source de mon plaisir de peindre.Raphaëlle Pia, janvier 2015, catalogue de l'exposition "Dans les Marées du temps"
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Effilochages 51
2017, acrylique sur toile, 38 x 55 cm
La rencontre particulière avec un moment de la nature est une nécessité pour mon travail, mais la technique en est une autre.
Quand le « motif » déclenche l’émotion aussitôt après arrive la grille de lecture construite au fur et à mesure de mes expérimentations.
Pour témoigner de la Baie de Somme j’ai dû attendre qu’arrivent, après bien des tentatives, une façon de plier le support, de nouveaux instruments, comme le balai serpillière, et, en cours de travail, une certaine manipulation de la toile.
Pour ces peintures, j'ai redressé la toile peinte en matière très liquide, à la verticale puis j’ai projeté de l’eau pour faire couler la matière. J’ai été surprise de voir que les traces restées sur la toile restituaient ce que j’avais observé.
Extrait d’un entretien entre Sabrina Dubbeld et Raphaëlle Pia le 10/09/2012 à Paris
(....) du temps suspendu, des étendues de l’impalpable, une leçon de couleur
Francine Garnier, mars 2017
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En arrière
2012, acrylique sur toile, 146 x 114 cm
Lieux d’ombres.
La lumière aime se rendre en Baie de Somme ...
En revanche gravir le Haut Forez lui coûte. Elle s’y heurte à des remparts de troncs. Alignés ou en quinconces, toujours sur le qui-vive, ils cassent son élan. Forcer le chemin la fatigue et, de guerre lasse, elle renonce à parvenir au fin-fond où se cache le Loup.
Au Moyen Age les forêts, lieux d’ombres et de peurs, envahissaient le territoire. Les images de monstres se multiplièrent. En hommage à la ville d’Issoire, haut lieu de l’art roman, j’ai repris pour les peindre, des motifs sculptés au 12ème siècle sur les tympans des églises.
Aujourd’hui, la terreur du sous-bois disparaît. Mais chacun peut trouver dans son cœur ou dans le monde les nouveaux mangeurs d’hommes. Les puissants s’entre-tuent, Le fort avale le faible et la mythologie se perpétue.R. Pia, catalogue de l'exposition "Lieux d’ombres, lumières de lieux", 2012
Les peintures de l'ensemble "L' Enfer" ont été réalisées d'après trois motifs du tympan de Beaulieu sur Dordogne. "Le Diable" s'inspire de la fresque d' Issoire. (15ème s)