Mahaut Lavoine
Née en 1989, Mahaut Lavoine est diplômée de l’Ecole supérieure d’Art et de Design de Valenciennes en 2015.
Au travers d’une pratique multidisciplinaire, elle explore les limites du paysage et de sa représentation. Elle s’intéresse tout particulièrement aux migrations qu’elle questionne au travers de différents projets. En 2012, elle arpente et photographie la ville de Calais (D’un monde à l’autre). En 2015, elle s’intéresse à la pratique de la photographie automatique qui lui permet de développer une réflexion sur la politique migratoire européenne (407 camps). En 2019, elle est lauréate du festival 9ph avec son projet, Missing migrants exposé par la suite au Bleu du ciel à Lyon. Son travail est notamment analysé par Philippe Bazin dans le livre "Pour une photographie documentaire critique", paru en 2017.
-
Missing Migrants
64 images satellites accompagnées de leurs cartels, 40x60cm, 2019
L’Europe ferme les yeux là où il n’y a rien à voir.
Dès le début de l’année 2019, je me suis intéressée aux naufrages de bateaux de migrants encore récurrents en mer Méditerranée.
Afin de construire ce travail documentaire, j’ai récolté des données sur le site missingmigrants.iom.int. Géré par l’Organisation Internationale des Migrations, il propose de télécharger en open source l’intégralité des informations relatives aux accidents ayant eu lieu sur les routes migratoires à travers le monde.
Ainsi, les données communiquées par cette organisation sont le point de départ de mon travail. Je les traite, les trie et les retransmets sous forme de cartels. Chaque lieu est documenté avec ses coordonnées géographiques, le nombre de personnes mortes, disparues et survivantes. À ces informations se joignent les sources qui communiquent et relayent l’information.À partir de ces données, j’utilise des images satellites pour retrouver les lieux où tout s’est passé. Ces systèmes de captation sont utilisés par les météorologues et les analystes de terrain, pour évaluer et capter entre autres l’évolution de notre environnement. Cet outil objectif me permet de chercher une image, un endroit, de cadrer et de capturer, tel un photographe avec son appareil photographique en main.
L’image est donc préexistante au geste de l’artiste et est cataloguée dans une base de données qui reprend toutes les vues de la même zone sur plusieurs mois, plusieurs années.Les latitudes et longitudes récoltées me permettent de faire surgir les informations et de créer mon image. Ces coordonnées géographiques mènent notre regard au dessus de l’eau paisible, des nuages se dessinent et certaines zones côtières s’esquissent.
Ces données nous emmènent vers des zones où rien ne se passe, où l’image dévoile par son abstraction l’invisibilité de la situation. -
407 camps
Tirage jet d’encre, 150 x 660 cm, 2015
Le projet 407 camps est une cartographie réalisée à partir d’un assemblage de vues aériennes reprises d’Internet et cadrées dans un rapport 1:2. Ce territoire met en forme les données mises en ligne par Migreurop sur le site closethecamps.org. Dans cette pièce, chaque photographie reproduit une parcelle de territoire qui communique et se détache en même temps de l’ensemble crée. Toutes documentent les flux: routes, aéroport, port maritime, autant d’infrastructures destinées à communiquer et échanger avec d’autres pays. La carte met ainsi en évidence la politique d’échange mise en place notamment avec le traité de Maastricht et l’accord de Schengen. Mais elle cache en son sein ce qui l’a construite : cette partie de la population emprisonnée. Chaque photographie agit ainsi comme une cellule dans un ensemble visant à dévoiler un territoire peu visible et dédié à l’enfermement des clandestins.
La cartographie est accompagnée d’un livre, 407 camps – Index, qui commente et intègre les informations nécessaires à l’appréhension des établissements destinés à l’enfermement des étrangers à travers l’Europe.
-
D'un monde à l'autre
18 photographies, dimensions variables, 2012-2013
Cette série de photographie propose une réflexion autour de la notion de frontière. Elle résulte d’un arpentage d’une partie du littoral français, et présente des prises de vues de Calais et ses environs.
En se référant à l’histoire de la représentation du paysage dans l’art, le but de ce projet est de proposer une réflexion autour des frontières aujourd’hui estompées de l’Europe par le traité de Maastricht, tout en questionnant les flux migratoires illégaux.
Ainsi, les notions de voyage et de contemplation sont requestionnées au profit d’une autre forme de voyage que représentent les flux migratoires. L’homme n’apparaît plus comme figure déjouant les éléments et découvrant le monde. Le paysage devient alors une barrière plus ou moins franchissable. Cette façon d’envisager le paysage reflète donc la situation statique du clandestin qui, après avoir voyagé, se retrouve bloqué à l’intérieur de cette image, de cet espace.
Dans cette série, Calais n’apparaît plus comme une ville mais plutôt comme une zone de transit, un non-lieu, accueillant le simple passage et ne forçant pas l’arrêt des gens. La photographie met en valeur la ville et son territoire sous le point de vue du « no man’s land ». En effet, j’ai choisi de privilégier ces bandes d’espace, n’ayant aucune autre mission que le passage du voyageur. Le dernier plan devient un but, un autre monde à atteindre, le premier plan figé lui nous rappelle et nous évoque la situation du clandestin, qui s’oppose à la mouvance du voyageur.
-
L'unité du monde
4 dessins, 25x25cm, 2019-20
Cette série de dessin représente la pierre lunaire 70017 récupérée par les astronautes lors de la dernière mission Apollo. Cette pierre fût nommée par les deux astronautes « The children of the world », car elle symbolise pour eux la paix et l’unité du monde. Après le discours de l’astronaute Gene Cernan, les Etats-Unis ont donné à 135 pays ainsi qu’aux 50 états américains, un fragment de cette roche. Pour pouvoir accomplir ce geste, la pierre a été brisée en différents morceaux de tailles variées.
Dans cette série de dessin, nous pouvons suivre la fragmentation de cette pierre qui s’effrite et se brise de plus en plus au fil des dessins. Cette destruction s’oppose donc au symbole de paix et d’unité que la pierre représente et nous questionne sur les relations diplomatiques à travers le monde.
-
Croissance - Décroissance
Dyptique, fusain sur papier accompagné d’un texte, 105x75cm, 2020
Ici, deux nuages se font face. Ces formes abstraites sont créées à partir de cartographie dévoilant les émissions de dioxide d’azote en Chine. Pour chaque nuage, 7 dessins sont superposés, retraçant alors 7 jours consécutif de pollution de l’air.
Le premier dessin commence le 23 janvier, 1er jour de confinement de Wuhan. Le charbon s'efface au fil des dessins, et la poussière disparaît. Le nuage devient blanc et dévoile l'effet de l'arrêt de l’économie et de la production de masse.
Le second dessin commence le 8 avril, 1er jour du déconfinement de Wuhan. Le papier est noirci jour après jour, dévoilant la reprise de la production et son impact sur la pollution de l’air.Accompagnés d’un texte, ces deux nuages s'affrontent et s'opposent, ils dévoilent deux modèles économique et politique différents et nous questionnent sur le modèle à suivre.
-
"Il faut être de son temps et peindre ce que l'on voit" Manet
Huile sur toile, dimensions variables, 2014-19
Manet a dit “Il faut être de son temps est peindre ce que l’on voit”. Cette série de peinture s’attache donc à reproduire notre “nature” d’aujourd’hui. Les paysages peints sont inspirés de l’interface du logiciel Sketchup, qui présente un dégradé de bleu et un dégradé de vert, tout deux séparés par un horizon marqué. Ici, le code numérique à l’origine de ce paysage se voit déconstruit par la main, par le geste du corps qui le reconstruit à son échelle.