Laura Rives
Née en 1991, elle vit et travaille entre Paris et Toulouse.
Elle est diplômée de l’IsdaT en 2014, et a effectué un programme de recherche " création & mondialisation " à l’École offshore de Shanghai dirigé par Paul Devautour. Son travail a été notamment présenté sur l’Espace Virtuel du Jeu de Paume (Paris), au Bazaar Compatible Program (Shanghai), à l’Université des arts YiShu XueYuan (Nanjing), à l’École supérieure d’art des Pyrénées (Pau), au Cinéma Multiplex Gaumont Wilson (Toulouse).
Mystérieuses, fantomatiques et expérimentales, les photographies de Laura Rives brouillent la limite entre l’intentionnel et l’accidentel, entre la reproduction et l’unique. Elle place son matériau photographique au centre de son travail et construit une approche de la photographie qui insiste sur le processus, la manipulation et le support.
Laura dissèque par son geste, les couches du papier, annule l’effet réaliste de la photographie en abîmant sa surface, en dégradant sa chair, écorchant sa peau et pelant sa texture pour établir un nouvel équilibre, délicat. Le matériau est hybridé, malmené, froissé, forcé à s’enrouler, poussé dans ses derniers retranchements étire aux limites de ses possibilités, au bord de la rupture, dans un battement entre apparition et disparition. L’image s’enfuit, s’efface et n’est presque même plus présente, elle se liquéfie. Le référent s’éclipse et disparaît. Rappelant que le papier photographique n’est pas inerte mais vivant qu’il finit par se détériorer et par mourir.
Elle redonne à la photographie une épaisseur et affirme sa matérialité. C’est un appel à la manipulation pour éprouver le réel de la surface, sentir les textures. La photographie quitte ainsi le mur, rampe sur le sol, se déploie dans l’espace, et en ce sens, elle gagne son statut d’objet. Sa photographie prend des formes et des plis inédits afin d'amener une conscience, par l’art, de la nature malléable et changeante des images. C’est aussi une question de la réappropriation d’images.
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malachite azurite
sérigraphie sur papier vinyle froissé, 1m70 x 2m10, Toulouse, 2016
Malachite azurite n’est pas une collecte d’images mais un jeu de construction, d’empilement. Les images prennent forme en expérimentant la lumière et la couleur. Des pigments sont disposés à même la surface sensible de la vitre d’un scanner. L'image se construit avec les qualités, les caractéristiques propres de cet appareil mécanique pour mieux se l’approprier et le mettre en défaut, pour garder l’erreur, la manipulation, la temporalité du capteur. Ensuite le logiciel de traitement d’images vient au cœur de l’apparition de l’image.
La prise est enregistrée, recadrée, saturée, usant du motif, des strates et des couches. L’image plane est imprimée. Par le geste de l’artiste, elle se détache du mur et surgit dans l’espace d’installation, ressemblant à un relief et pénétrant la texture sensible. La photographie se trouve alors hybridée, malmenée, froissée : elle prend des formes et des angles inédits afin d'amener une conscience, par l’art, de la nature malléable et changeante des images. -
écorce
digigraphie sur papier mat encollé, poncé 300 x 210 cm, 2014
La photographie découpe le monde en morceau, le sélectionne, le recadre, le fragmente. Elle perd ici son apparence documentaire pour devenir de plus en plus abstraite. Le référent est effacé, poncé à l’excès. La poudre extraite du tirage s’estompe et se volatilise du support pour ne laisser que des traces à peine lisibles, des amas de formes noires, des grandes lignes d’encre encore incrustée dans le papier, telles des marques de dessin au fusain. Écorce, à sa surface de papier torturée, déchirée, est une abstraction. Et même une soustraction d’une partie de la photographie qui s’émiette et s’amenuise. L’artiste dissèque par son geste, les couches du papier, annule l’effet réaliste de la photographie en abîmant sa surface, en dégradant sa chair, écorchant sa peau et pelant sa texture pour établir un nouvel équilibre, délicat. Laissant une trace fragile, et quasi transparente de la matière qui s’ouvre et se fond dans le blanc du mur sur lequel elle est plaquée.
C’est une déconstruction de l’image et de sa représentation. Le grattage du papier permet également de donner à la photographie une épaisseur qu’on lui dénie souvent, il affirme la matérialité de la photographie. Le visible s’affiche alors par la déconstruction et l’altération -
émulsion corrosive
digigraphie jet d’encre papier brillant acétoné sur dibond bombé 150 x 80 cm chacune, 2014
Le tirage contrecollé sur un support rigide, est délavé par la chimie de l'acétone. Essuyant la peau à l’aide d'une raclette et du solvant, l’artiste ôte et étire la matière pigmentaire et colorée de l’encre imprimé. Comme avec une pipette, la couleur dominante est sélectionnée pour être transférée au dos de chaque pièce.
Ainsi s'opère un glissement. L’image n’est pas conçue comme un produit désincarné, mais comme le fruit d’une relation entre l’artiste et son matériau. C’est un appel à la manipulation pour éprouver le réel de la surface, sentir les textures. Pour rendre visibles les opérations et le processus qui mènent à la création d’une image. -
malléable
sérigraphies sur papiers vinyles encollés puis froissés, 200 x 1m 50, 2014
Les images sont activées par l’installation dans l’espace d’exposition. La photographie a quitté le mur, rampe sur le sol et se déploie dans l’espace. S’appuient contre le mur prête à tomber, à s’écrouler tel un corps affaiblit qui tente de rester debout qui proteste pour vivre.
Pliée, froissée, décollée, gondolée ramené d’abord à l’usure du temps, à la dégradation de son support, en signe d’accident ou d’oubli. La matérialité malléable et changeante fait face aux différentes mutations et lutte pour exister à la différence des flux d’images toujours plus jetable et épuisable. -
ultralight
tirages lambda sur papier kodak endura, javel encadrements bois 230 x 130 cm, Toulouse, 2016
Le projet Ultralight n’en est qu’au début de son expérimentation. Ce sont des photographies tirées sur papier argentique Lambda. Elles sont alors rongées par l’acidité de l’eau de javel qui fait ressurgir les sels d’argents colorés pour les soustraire et ne laisser que des traces de leur ancienne présence par le blanc retrouvé du papier. C’est un refus de ce qui fait la fonction de la photographie : celle de conserver une image au monde. Nous perdons nos référents, et conservons seulement des couleurs qui se mélangent les unes aux autres, s’étirent et blanchissent. Des motifs colorés qui apparaissent, des effets de brûlures, de glissement, de coulures. La photographie s’ouvre et se liquéfie.
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membrane souche
digigraphies sur papiers mats, semi brillants, dos bleu, brillants enroulés, dimensions variables, 2013
Membrane souche est une installation constituée de sept tirages sur des papiers de différentes qualités. Positionnés en piliers de travail, ils se tiennent debout et fiers. Disposés en rouleaux au sol, c’est une mémoire à demi visible, fractionnée, un petit stock d’images en attente d’être déroulées, d’être vues en intégralité. Mais ces tubes ne se livrent jamais complètement, et surtout jamais de la même façon. Le référent s’éclipse et disparaît. Le matériau est malmené, forcé à s’enrouler, poussé dans ses derniers retranchements. La photographie n’occupe plus seulement un pan de mur, mais se déploie dans une configuration spatiale et, en ce sens, elle gagne son statut d’objet. Dans cette contrainte, elle exige un rapport physique du spectateur face à l’objet mais aussi à l’espace.