Dounia Ismaïl
Née le 20 décembre 1991, Dounia Ismaïl vit et travaille à Rennes. Elle est diplômée avec les félicitations du jury de l'École Européenne Supérieure d'Art de Bretagne - site de Rennes, en 2015.
Dounia Ismaïl sonde les interactions entre le réel et la fiction, où elle cherche le point de basculement d’une situation banale à l’avènement de la poésie et du merveilleux. Pour ses performances, vidéos ou installations, elle rejoue (avec des modifications, déplacements, augmentations) ces non-événements prélevés dans le quotidien, en leur donnant un équivalent artistique dont le potentiel symbolique ou spectaculaire est souvent mis à l’épreuve de la déception. Cela produit des bribes de situations, saynètes décomposées, une «dé-narration» qui laisse des espaces à compléter par le spectateur, directement et physiquement impliqué dans l’expérience poétique.
Il y a quelques idées importantes dans sa pratique. Celle de la déambulation par exemple, qui est une forme récurrente dans son travail et aussi parfois le mode de production des travaux. La temporalité également, est au coeur de la démarche. Le temps de l’attente, puis celui de l’action, le temps de l’ennui, le temps dans son rapport à l’espace, le temps du regard et de la contemplation.
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Chardon ou Tasse de thé
Chardon ou Tasse de thé est une performance. Un personnage au téléphone, en pantoufles, nous livre des bribes de conversation. Le texte qu’il interprète a été écrit lors d’un voyage sans but, en bus. Il est constitué de fragments, de micro-faits, d’images et d’évènements qui se sont trouvés sur ma route. Le texte apparaît sans structure logique. Comme une succession de moments dont la ville est le champ.
Au lieu de se référer à ce moment fondateur (celui du trajet en bus), le texte est déplacé dans le cadre d’une conversation téléphonique. Cela ouvre des espaces potentiels. L’interlocuteur imaginaire intensifie et justifie cette « dénarration » et ouvre des proliférations narratives, des incitations à spéculer. Il s’agit d’une certaine manière d’une déconstruction de la linéarité.
Le manque crée par le non-accès à la réponse d’un éventuel interlocuteur offre des espaces de projection, et donc une place importante au spectateur qui devient lui même le récepteur de cette conversation. -
La piscine
Des reflets d’eau sont projetés sur un mur, grâce à une fenêtre creusée dans un mur en carton. L’économie des moyens employés (ici le carton, le ventilateur, la piscine en plastique) est aussi un choix important dans mon travail : c’est celui de simplifier les choses, de les rendre plus précises.
Quand on passe de l’autre côté des panneaux de carton et qu’on découvre l’envers du décor, il y a une sorte de décalage entre l’effet (le reflet, la contemplation) et sa production. Un personnage est là et donne des légers coups de pied réguliers dans la piscine. Il est astreint à un rôle, piégé ici pour une durée indéterminée. Sans lui la pièce ne peut pas fonctionner (il active le mouvement de l’eau et donc les reflets). Puis il y a la piscine, trop peu remplie, dans laquelle l’eau stagne, dans laquelle plus rien n’avance et ne circule. Cette mise en scène d’une action bloquée, de quelque chose qui paraît enfermé et assujetti, dans un temps qui paraît infini rappelle aussi la vidéo du lapin sur la route. -
Les personnages récurrents- le navet
Les personnages récurrents interviennent périodiquement dans une série de performance, lors d'expositions, vernissages, évènements. Plus ou moins discrets, ils peuvent passer inaperçus ou se faire remarquer, errer ou faire irruption pour commettre des actions faiblement spectaculaires et légèrement absurdes à l’exemple du personnage à tête de navet saupoudrant des paillettes au dessus d’un ventilateur. Mais la plupart ne sont pas immédiatement repérables et peuvent se confondre avec des spectateurs, leur signe distinctif étant des plus communs : ils portent tous un jean bleu et un tee-shirt blanc.
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Les personnages récurrents- le matelas
Un autre personnage de la série des Personnages Récurrents. Celui-ci transporte un matelas mou, qui le recouvre complètement. Aveuglé, et sans but, il erre dans les espaces d'expositions, mais aussi peut-être ailleurs. Ces personnages n'ont pas d'encrage temporels, comme s'ils voulaient faire croire qu'ils déambulent sans fin dans des espaces et dans des temps décalés.
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Sans titre
Sans titre est une vidéo qui met en scène une image commune : celle d’un lapin qui court sur la route, emprisonné dans les phares d’une voiture. La vidéo est faite de fragments mis bout à bout, intercalés par des écrans noirs très brefs, qui composent une course saccadée. Cette dernière ne cesse de recommencer mais ne finit jamais.
Dans un jeu hypnotique, à la fois grâce à la lumière qui réfléchit sur la fourrure blanche du lapin mais aussi grâce au système de boucle employé, je cherche à ce que le spectateur puisse se projeter, peut-être en tant que conducteur d’abord, jusqu’à ce qu’une possible inversion du jeu s’opère. -
Sans titre 2
Sur la vidéo qui est diffusée ici, un local clos dans lequel il ne se passe rien est filmé, et animé par des flashs de lumière. L’installation de cette vidéo est faite sur un écran placé trop haut, dans le noir. Un personnage mange des chips face à celle ci, et sur lui se reflètent les flashs hypnotiques.
Il y a ici une idée du « spectacle de rien ». C'est un lieu où il ne se passe rien, la plupart du temps, mais cette attraction lumineuse voudrait nous faire croire que l'on attend ici un évènement. L’installation, mais aussi le reste de mon travail, porte en lui parfois certains ressorts du cinéma comme la lumière, l’acteur, le décor, mais aussi la relation écran-audience.
L’installation que je fais de cette vidéo met plus en avant le temps passé à regarder, l’ennui, la fascination, mais aussi peut-être la déception de l’action qui ne vient jamais.