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Duo d'artistes, nous avons fait nos études à la HEAR (Strasbourg, FR) et à l'Akbild (Vienne, AT). Nous avons participé à des résidences au Japon, en France et au Portugal, bientôt en Italie et au Brésil.
Contextuelles, nos pièces réfèrent à la réalité par contact (contiguïté et continuité) et relation ; elles sont le résultat de notre confrontation à un contexte et à ses spécificités physiques, architecturales, historiques et culturelles. Nous intéressent autant les concepts scientifiques et les technologies qui en découlent, que l’imaginaire populaire et les phénomènes sociaux ; les monuments qui font histoire, que le bruit du présent qui défie l’immédiate compréhension.
Une part importante de notre recherche actuelle porte sur le sol : sur les séismes qui ébranlent nos constructions (architecturales et sociales), l'imaginaire lié à un territoire (géomythologie, culture du risque), les seuils, et d'une manière plus métaphorique sur le minimum, la base de nos structures physiques et psychiques.
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(Clémence Choquet, Mickaël Gamio)
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Heure brute (bore out)
1015 pièces de 1 cent (valeur d'une heure travaillée au SMIC brut en 2020) sur un rail de porte de placard
8 x 170 x 1,7 cmMatérialisée dans la plus petite unité monétaire, la valeur accordée à une heure passée au travail trouve son expression physique la plus étendue, la plus pesante mais aussi la plus encombrante, la plus insignifiante. La tranche d’un centime remplace la seconde pour approcher l’instant, le temps ressenti.
Devant les tranches, variables dans leurs teintes et reflets, des pièces accumulées, l'on peut penser aux strates géologiques d’un carottage et y chercher ce dont il témoigne de notre époque.
Le bore out est l’une des inadéquations entre le rythme personnel de l’employé et celui qui lui est imposé : à l’inverse du burn out, c’est par l’ennui et la vacuité que le travailleur est mis hors de lui. Le brut résonne alors comme un écho à la brutalité, la rudesse d’un temps subi.
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Bombyx mori
fil de soie enroulé autour d’un néon grillé
La lumière captée par le fil de soie se substitue à celle, éteinte, du néon grillé : le fil enveloppe le néon comme un linceul et du même geste le répare en lui redonnant une lueur diffuse.
Issue de la bave de la larve, la soie a trait au désir et à la parole, aux grands récits et transmissions de savoirs qui ont traversé le monde via les routes de la soie.Au néon, lumière moderne qui permet le travail à toute heure du jour et de la nuit – déjà obsolète et bientôt remplacé par celle des leds – se superpose la lumière subtile, lointaine, de la soie qui replace l’exploitation du vivant dans une tradition millénaire.
La production du fil par l'insecte pour former un cocon, exploité à son insu dans son processus de métamorphose, devient auto-momification, la chrysalide étant étouffée à l’air chaud afin de garder le fil intact. Le papillon qui n'en sortira pas ne tournera jamais autour de lumières artificielles.
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Dodes'kaden
video (7,16 mn)
+ installation, 28 photographies format carte postale scotchées sur les piliers portant les rails du métroDans le quartier Sumida à Tokyo un long parc passe sous quatre voies de métro : deux larges piliers portant les rails y dessinent de leur jonction comme le négatif d’une maison. Si cet abri symbolique rappelle que la majorité des parcs au Japon sont des refuges en cas d’incendies et d’effondrements causés par les séismes, les trains, le bruit violent et les vibrations de leurs passages évoquent les récits que font d’un tremblement de terre ceux qui l’ont vécu. Nous y avons mentalement projeté, scandées au rythme des secousses, les images des maisons frêles et fissurées du quartier qui semblent, bien que parfois sévèrement endommagées, résister à la fois aux tremblements de terre et à la modernisation, à l’expansion de hauts buildings.
Cet espace a fait l’objet à la fois d’une vidéo et d’une installation de photographies des maisons sous les rails, exposition à visiter en s‘exposant aux vibrations et à un environnement sonore assourdissant.
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Neither here nor there
exposition Here and Beyond, ACAC, Aomori, JP
installation : photographie, bottes en caoutchoucIl est rare au Japon de voir la mer sans la présence du béton : murs anti-tsunami et brise-lames se répandent sur toutes les rives et côtes.
Comme nous retirons nos chaussures pour entrer dans une pièce à tatami, nous avons invité les visiteurs à enfiler des bottes pour entrer dans l'eau, s'approcher des photographies et mesurer leur propre rapport à la mer.
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Exposition Here and Beyond, ACAC, Aomori, JP
installation : tapis d'isolation en caoutchouc pour pièce à tatami, lumière verte, photographies, bottes en caoutchouc
La nuit, les architectures publiques japonaises sont éclairées à la lumière verte des panneaux de sortie de secours : ils nous permettent de distinguer juste suffisamment d’éléments pour traverser les bâtiments mais leur lumière ne sont ni signe de présence, ni invitation à entrer. Plus encore, elle souligne les propriétés architecturales et assure qu’on n’oublie jamais par où sortir. Une lumière verte dont on ne voit pas la source a été installée dans la galerie, son reflet vert et blanc flotte sur le béton ciré du plafond.
Sa présence discrète de jour, quasiment éclipsée par la lumière naturelle, affiche clairement de nuit l’espace en veille. L’espace se laisse visiter tel qu’il est lorsque personne n’est supposé y être. Rien ne change à l’intérieur de la pièce, mais la nuit tombante, la lumière verte, égale en toutes circonstances prend lentement le dessus sur la lumière naturelle, et l’espace – ou notre sentiment de l’espace – commence à glisser.
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Dérive (washitsu) - étude
modélisation, étude pour une installation : tapis roulants, 3,60 x 3,60 m (8 modules de 90 x 180 cm – dimension standard d’un tatami)
Composée de tapis roulants reprenant la configuration d'une pièce traditionnelle à tatamis, la plateforme condense les mouvements de plaques au fond de l’océan. Si les règles d'imbrication des tatamis semblent former une base stable, ces sols composés de plaques juxtaposées peuvent rappeler les vues en coupe des modèles géologiques de la tectonique des plaques.
Si l'on parle du modèle du tapis roulant pour décrire l'expansion du plancher océanique, le tapis roulant océanique désigne également la circulation thermohaline dont le possible ralentissement, dû au réchauffement climatique, causerait l'extinction de nombreuses espèces. Les bandes convoyeuses évoquent la surconsommation et le risque d'épuiser les fonds marins : les poissons y circulent, y sont pesés, scannés et coupés jusqu'aux restaurants de sushis tournants. Le terme "dérive" évoque les courants marins, ou la théorie de la dérive des continents ; on l'utilise aussi pour parler d'une situation que l'on n'a pas su contrôler.