Anne Sophie Viallon
Choisir !
Beaucoup de mal à choisir entre le papier et le tissu. J’aime profondément ce que chacun amène ; une résistance, une rigidité, une tension pour l’un et une douceur, une plasticité, un motif pour l’autre. Je ne choisis pas ! J’utilise l’un et l’autre, l’un avec l’autre, l’un contre l’autre, l’un sur l’autre.
Beaucoup de mal à choisir entre le dessin et la peinture. Je ne choisis pas non plus ; je dessine et je peins , je dessine sur mes peintures, je peins sur mes dessins.
Beaucoup de mal à choisir entre le plat et le volume ; je ne choisis plus. Tantôt je dessine, tantôt je forme, j’installe en extérieur, dans des jardins, des arboretums ou en intérieur dans des espaces singuliers et intimes, chambre, atelier d’artistes.
Beaucoup de mal à résister à la représentation ! Se détacher des corps, de leurs histoires, de leurs émotions, de leurs complexité et de leurs interdépendances, leurs interactions avec leur environnement social, leur territoire intime, n’est pas d’actualité. Leurs mondes m’interpellent.
Je poursuis ainsi le dessein de faire apparaître les liens entre visible et invisible, matériel et immatériel.
Pour cela je collectionne ! Beaucoup ! Des papiers anciens, des tissus usités, des vêtements, des mouchoirs, des draps des taies d’oreiller… Je couds aussi, je ne brode pas. Et j’accumule tels des souvenirs dans un coin de ma tête, des réminiscences qui ne sont pas les miennes mais qui par un mécanisme intime et l’imprégnation du contexte social, politique, géographique et culturel d’aujourd’hui , se constituent, se créent, se forment jusqu’à constituer des petites fables, des récits fictifs dotés de leurs propres règles et morales.
Étrangeté et bizarrerie sont au programme mais pas sous une forme convenue : point de spectaculaire, pas de surenchères, pas d’exagération qui pourraient nous éloigner, de notre réalité commune, mais plutôt faire le choix de la profondeur, de l’ intime.
Il me suffit pour le moment de reprendre le chemin à l’envers, de repartir vers l’enfance, de son vocabulaire, de ses codes, de ses jeux, de ses constructions improbables, de ses chimères pour tout recommence.
Anne Sophie Viallon - 2023
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Dé-paysage 58
2019
Dessin, acrylique et couture sur toile montée sur châssis bois127 x 82 cm
Draw somewhere else
Est une mise en situation, dans un espace privé, de différentes pièces dessinées sur papier et sur tissu toutes marquées par un trait---couture et issues de la série "Dé-paysage".
Le paysage y est abordé ici comme une évocation et/ou une invocation de notre part animale et éduquée. Il est à la fois sublimé par nos regard, idéalisé et étranger.Il nous abstrait, nous efface tout en nous rendant présent au monde, une demi-présence. Les humains figurés ici, lui font face, lui tournent le dos, font partie de lui dans leur entièreté ou leur aspect fragmenté ou assemblé.
Ils sont là, sans y être vraiment , autant sous une forme précise, détaillée, morcelée, minuscule qu’évanescente, incertaine, transitoire, reliés les uns aux autres par des coutures sociales.