Anaïs Tondeur
Diplômée du Royal College of Art (Londres, 2010) et de Central Saint Martins (Londres, 2008) Anaïs Tondeur a été invité pour de nombreuses résidences d’artiste : Laboratoires des cultures durables (COAL, Chamarande, 2016), Demain, le Climat, Université Pierre et Marie Curie, 2015) Laboratoire d’Hydrodynamique (Ecole Polytechnique, 2013-2014) ; Audax Textiel Museum, 2012). Elle est actuellement en résidence à l’Observatoire de l’Espace (CNES) où elle développe une recherche sur notre perception de la lune à travers les siècles et les cultures. Son travail a été exposé dans le cadre d’expositions personnelles et collectives en France et à l’étranger.
Dans une pratique de l’image et de l’espace, j’interroge, par mon travail la construction des savoirs et la place de l’humain dans l’avenir écologique de la planète. Nourries de littérature, d’expérimentations en laboratoires scientifiques et de recherches historiques, mon travail prend la forme de fictions et de narrations spéculatives. Ces dernières se déploient sous la forme de vidéos et d’installations où sont convoqués le dessin et les premières techniques de la photographie.
Je cherche dans la fiction une forme transformatrice, un étai à un dépassement des limitations du réel. Chaque mise en récit devient un support pour un déplacement du regard qui invite à penser et incarner de nouvelles conditions d’être au monde. Cette démarche est elle même structurée par des protocoles d’investigations qui sont autant de points d’appui que d’expérimentations pour interroger le devenir écologique et sociétal de la planète.
Nombre de mes projets naissent à partir d’un déplacement physique sur le terrain : une expédition en solitaire à travers l’Atlantique (Le Cri de l’Eophone, 2015), une marche le long des grandes failles tectoniques (Wandering Continents, 2014) ou encore à travers les Alpes sur les traces d’un fragment de graphite, avalé par une jeune fille au début du XXeme siècle (I.55, 2012).
Mes projets se construisent aussi dans un dialogue avec d’autres disciplines et particulièrement dans le domaine scientifique. Or, ce n’est jamais dans un but de communication des sciences. Je ne cherche pas non plus dans la science, une inspiration, mais un dialogue afin d’étendre les modes d’exploration. Tenter de mieux saisir le réel mais surtout de participer à une recomposition à multiples voix d'un monde commun, d'un avenir partagé. Je suis passionnée par ce qui se passe au croisement des disciplines.
Je cherche ainsi une forme d’expérimentation à partir des outils des sciences et des arts. Ces deux champs sont, il me semble, particulièrement, à même de suivre une trajectoire commune, car ils partagent une esthétique, au sens originel du terme, de rendre sensible. J’aimerai croire que de cette hybridité puisse naitre une nouvelle forme de pensée critique pour une compréhension et des actions plus globales. Un nouvel élan pour se réapproprier la chose politique et sociétale.
De cette manière mon travail plastique, s’inscrit de plus en plus dans une démarche de recherche. Une démarche qui dépasse l’expérimentation ponctuelle et personnelle, faisant appel au collectif dans la quête d’une forme d’hybridité plastique et conceptuelle.
Grâce à des investigations transdisciplinaires ou en faisant appel aux formes de la fiction, mon travail est mu par l’urgence de la construction d’un imaginaire collectif qui aiderait à sortir de l’impasse latente. Un imaginaire dans lequel puiser de nouvelles façons de répondre aux problématiques contemporaines de nos sociétés. Et à partir desquelles faire des choix pour des visions du futur qui seront des trajectoires de développement stable et durable, et non le partage
d’un fardeau. Mes installations explorent ainsi les possibles d’un autre futur ; et tente de donner consistance à des modèles alternatifs.
Formations
2008-10 MA Mixed-Media, Royal College of Art, Londres, UK
2005-08 BA (Hons) Printed Textiles, Central Saint Martin School of Arts
and Design, Londres, UK
Résidences d’artiste
2016
Observatoire de l’espace, CNES, Paris
Laboratoire des cultures durables, COAL Chamarande, FR
2015
Université Pierre et Marie Curie, (Programme Demain, le Climat)
Laboratoire d’hydrodynamique (LadHyX), Ecole Polytechnique, FR
2014
Ecole d’été FDSE Cambridge, UK
Laboratoire d’hydrodynamique (LadHyX), Ecole Polytechnique, FR
2013
Les 26 Couleurs, Centre de Cultures Digitales, FR
2011
Cité Internationale de la Dentelle et de la Mode, Calais, FR
Textiel Lab, Audax Textiel Museum,Tilburg, NL
Expositions personnelles
2016
Fabuler des Mondes, Espace Tourlière, Les Lilas
Les Dryades, ArtCop21, Université Pierre et Marie Curie, Paris
Le cri de l’eophone, ArtCop21, Université Pierre et Marie Curie, Paris
2015
Flat Hemisphere, Somerset Art Weeks, UK Curator: Karina Joseph
2014
Lost in Fathoms, GV Art Gallery, Londres, UK, Curator: Robert Devcic
2013
I.55, St Bartholomew Pathology Museum, Queen Mary University, Londres
2012
The Outsiders, Terrasse de Gutenberg, Paris, FR
2011
Instance of passage, Space 54, Rivington st, Londres, UK
Carte Blanche, Cité internationale de la dentelle, Calais, FR
Expositions de groupe
2016
Nuit Blanche, Paris, 2016
Sols Fictions, Orangerie, Chamarande, France_Curator: COAL
In the wake, Houston Cente of photography
Chernobyl Impact and beyond, Ukrainian Institute of Modern Art, Chicago
Trauma, Science Gallery, Irlande_Curator: Stanislav Grezdo
2015
ArtCOP21, Ministère de la Culture et de la Communication, Curator: COAL
Seachange, Tulca Festival, Galway, Irlande, Curator: Mary Cremin
Inventer des rivières, Festival Curiositas, Gif-sur-Yvette, FR
Dessiner l’Invisble, Galerie 24b, Paris_ Curator: Damien Mc Donald,
Dryades, Fête de la science, LOCEAN, Université P. et M. Curie
La science de l’art, Verrières-le-Buisson, Fr
Flat Hemisphere, Royal Society, London, UK
Distant fictions, Jerwood gallery, UK, Curators: Alice Mallet
Festival Sidération, Paris_Curator: Gérard Azoulay
Systémique, CEEAC, Strasbourg, FR_Curator: COAL
2014
Encyclopedia Galactica, GV Art Gallery, Londres, UK_Curator: Devcic
Life on Mars, Oxford Street, Londres, UK_Curator: Simona Zemaityte
A case for Levania, Laboratorio Arte Alameda, Mexico_Curator: Nahum
2013
Festival Némo, Les 26 Couleurs, FR
Nature Reserves, GV Art Gallery, Londres, UK, Curator: Tom Jeffreys
Art and science, GV Art Gallery, Londres, UK, Curator: Robert Devcic
2012
Graphite, GV Art Gallery Londres, UK, Curator: Robert Devcic
Of this event I canot forsee the end, Londres_Curator: Carmen Billows
2011
Trauma, GV Art Gallery, Londres, UK, Curator: Jonathan Hutt
Just under the surface, Art in Touch, Londres, UK
Den Proloog,Eindhoven, NL, Curator: Menno Dornboos
Picturing science, Orleans House Gallery, Richmond, UK
2010
Frieze Art Fair, Londres, UK, Curator: Resonance
Prix
Ars Electronica, Art @ Science @ESO Honorary Mention (2015)
Finaliste Talents Contemporains Fondation Francois Schneider (2013&14)
Bourse Arcadi (2012)
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Tchernobyl Herbarium
Zone d’Exclusion, Tchernobyl, Niveau de radiation : 1.7 Microsieverts/h Rayogramme, 24 x 36 cm I 2011-16
Le 26 avril 1986, à 1h23 minutes et 44 secondes, un test de puissance à la centrale de Tchernobyl, tourne à la catastrophe. Le cœur du réacteur n°4 explose, laissant s’échapper un nuage de particules radioactives dans l’atmosphère.
Ces trente photographies furent créées en parallèle des recherches du biogénéticien Martin Hajduch. Ce laboratoire analyse les empreintes de la radioactivité sur la flore, en portant un intérêt particulier aux plantes herbacées de la famille des Linacées qu'il cultive dans les zones fortement irradiées, autour de la centrale.
La silhouette de ces plantes est capturée sur le papier argentique par une technique de rayographie. Ce processus a recours à la lumière comme source d’enregistrement des traces du traumatisme endurés par ces plantes. Dans le registre du visible, elles interrogent les stigmates d’une catastrophe, les traces d’une substance invisible. -
Pétrichor
ou l’odeur de la terre de Paris
Installations, Video HDV, coul, 14’
Alambic, 56 distillats de terre, 2016Collaboration avec l'anthropologue Germain Meulemans
Cette installation débute par une film qui retrace, par le prisme de la fiction, l’enquête d’un homme qui creuse inlassablement, à divers endroits de Paris, en quête d’une odeur : l’effluve de la terre sous le bitume de la ville. Le film fait entendre le crissement de la terre contre la pelle, entremêlé aux pensées du creuseur et à l’histoire des odeurs du sol urbain. En parallèle, les objets exposés sont les traces des recherches : un alambic en verre, une suspension de ses 56 distillations de terres.
Ce projet est d’abord une évocation du travail des chimistes du 19e siècle qui s’intéressaient aux boues de Paris (notamment les boues ferrugineuses sous et entre les pavés de la ville) par l’odorat. Il est aussi un hommage aux scientifiques australiens qui découvrirent le petrichor en 1964, et inventèrent ce néologisme issu de petra – la pierre – et ichor – le sang des dieux. Ces scientifiques furent mal compris. On crut que le petrichor était une qualité intrinsèque des choses, et beaucoup de parfumeurs cherchèrent à imiter cette odeur « de terre après la pluie ». Mais le petrichor est autre chose. Il désigne le système complexe par lequel la pluie et le sol interagissent pour produire une odeur. Il ne peut donc émerger que dans la relation entre le sol et le climat, et nous rappelle que cette interaction est présente partout sur terre, bien que l’on cherche à la couper en ville.
Par une mise en fiction, en suggérant le sentir du sol, cette installation invite à réfléchir au sol à partir de la notion de relation. Evoquer les miasmes et la « transpiration de la terre », c’est envisager les manières par lesquelles les sols nous mettent en danger si l’on ne prend pas soin d’eux. Ainsi, envisager les sols des villes en termes de relations dans lesquelles nous participons, c’est aussi réfléchir aux conditions de nos existences urbaines.
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Galalithe
Prendre soin du sol
Vidéo installation, HDV, Col, Concrétion de lait humainCollaboration avec l'anthropologue Marine Legrand
Par l’invention d’un rituel, la performance Galalithe – du grec gala, lait et lithos, pierre – accompagne les lombrics dans leur entreprise de régénération du sol. Elle consiste à déposer en offrande une large coupelle, réalisée à partir de lait maternel sur un sol appauvri par les activités industrielles. Sous les aléas météorologiques, cette coupe organique et minérale, en se délitant, se mêle à la terre pour nourrir les vers.
Par ce geste symbolique, Galalithe participe ainsi à rendre les sols à nouveau fertiles en affirmant le lien nourricier réciproque qui nous unit au sol, support de nos vies humaines. Galalithe fait également écho au processus de digestion des vers de terre, qui assemble les particules de roches et de végétaux ingérés pour générer le véritable sol.
L’installation présente une coupe en lait humain ainsi qu’une vidéo qui relate la préparation de la Galalithe puis l’offrande aux lombrics dans un sol de la Seine-Saint- Denis. -
Le cri de l'Eophone
Vidéo 2k, Col, 20', graphite sur papier, 70 x100 cm, cartographies
2015Collaboration avec l'océanographe et navigateur Victor Turpin (Laboratoire d'océanographie et du climat)
Il y a 11 500 ans, une vague de froid figeait l’Europe. Aux frontières de la fiction, l’installation Le Cri de l’Eophone présente les résultats d’une expédition à travers l’Atlantique. Ce périple invite à réfléchir au rôle des circulations océanique dans l’équilibre du climat.
Collaboration avec l'océanographe et navigateur Victor Turpin (Laboratoire d'océanographie et du climat)
Vidéo 2k (20 min), graphite sur papier, cartographies I 2015En 1779, pour la première fois dans l’histoire des océans et des hommes, les marins d’un navire marchand qui traversaient les Tropiques, prélevaient quelques gouttes d’eau des profondeurs. La température relevée, 12°C, contrastait fortement avec les 29°C de l’eau de surface. Cette observation conduit le physicien britannique Benjamin Thompson à spéculer sur l’existence d’une circulation qui, sous l’effet de variations de température, formerait une immense boucle reliant tous les océans de la planète tantôt à la surface, tantôt dans les abysses sous marin.
De nos jours, ce phénomène est connu sous le nom de circulation thermohaline. Les eaux chaudes des Tropiques sont transportées par des courants de surface jusqu’en Arctique, où, en raison des basses températures et du sel que rejette la glace de mer lors de sa formation, les eaux deviennent plus denses. Elles plongent alors en profondeur et circulent vers le sud. Or, un réchauffement de la planète peut entraîner un ralentissement de cette circulation et modifier le climat. Il y a 11 500 ans, une glaciation en résulta.
Cette installation entre réalité et fiction attribue au physicien Thompson l’invention d’un l’Eophone, instrument qui devait sonder la mémoire des océans. Du grec, Eol: le vent ; Phone : la voix, cet objet était équipé d’un pavillon à l’intérieur duquel le vent s’engouffrait et le faisait siffler. Son cri perçant devait attirer les marins lors de ses remontées à la surface, tous les 72 ans. Or ni en 1871 ni en 1943, personne n'en retrouva trace.
En 2015, le navigateur Victor Turpin tenta sa chance. Cette installation présente son expédition en solitaire à travers l’océan Atlantique.Les images qui composent la vidéo ont été tournées par Turpin lors de son expédition. Le projet fut créé lors de la résidence d’artiste d’Anaïs Tondeur auprès des paléo-climatologues et océanographes du Muséum National d’Histoire Naturelle et l’Université Pierre et Marie Curie dans le cadre du programme « Demain, Le Climat ».
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Dérive
Faille Médio Atlantique, Faille de San Andrea
Rayogrammes, 16 x 21cm I 2014-16La terre est un fluide visqueux. Un état de flux constant régie ce qui nous paraît solide. Le noyau même, au centre de la terre, longtemps pensé comme le plus solide de tous les solides, n’est autre qu’une gigantesque cellule connective qui transporte la matière d’un coté à l’autre de la planète.
En 1912, les géologues émettaient la possibilité d’un continent premier, la Pangée qui se serait divisé en multiples fragments sous l’effet de l’activité interne de la terre. Depuis, l’on sait que les continents flottent tels des radeaux sur une mer de roche en fusion.
Anaïs Tondeur est partie sur les traces de ce processus qui se déroule sur des millions d’années. Depuis 2013, elle arpente la frontière entre les plaques tectoniques. Elle s’est glissée à l’intérieur de la faille qui sépare les continents Nord Américain et Eurasien. Elle a suivi la ligne de rencontre entre les plaques du Pacifique et l’Amérique, le long de la faille de San Andreas. De chaque marche, elle collecte un fragment de continents. -
Mutation du visible
Graphite sur papier, 56/56cm
Mutation du visible prend la forme d’un récit graphique qui retrace l’histoire non-linéaire des imaginaires, des observations et explorations spatiales qui ont transformé notre perception de la lune. Ce projet est développé depuis 2015 dans le cadre d'une résidence d'artiste hors les murs à Observatoire de l'Espace, CNES, Paris.