Alexia Chevrollier
Alexia Chevrollier, née en 1989, est diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Art de Dijon et de l’université Paris-Sorbonne en recherche théorie des arts.
Son travail a été montré dans plusieurs expositions collectives et personnelles en France (Centre Pompidou-Metz, Le Parc Saint Léger-Centre d’art contemporain, Galerie Bertrand Grimont, La Villa Belleville, ART-O-RAMA, Galerie Interface, La Cantine d’art contemporain...) et à l’étranger (Les Brasseurs art contemporain - Liège, Centre culturel Métaculture - Kiev).
L’artiste a également été lauréate et finaliste de plusieurs prix (lauréate du prix Jeune Public du CRAC 2018 et du prix Jeune Talents Côte-D’or 2013, finaliste de Talents Contemporains 2013 de la Fondation François Schneider) et a réalisé plusieurs résidences de recherche et de création.
Alexia Chevrollier articule un travail de sculpture, peinture et installation. Elle interroge les outils que nous mettons en place pour résister à la temporalité imposée, met en exergue le suspens inhérent à la notion individuelle du temps et à l'identité. Pour cela, elle s’intéresse au vivant, à la complexité des matières, à leur organicité. En se concentrant sur les potentialités de transformation, Alexia Chevrollier crée une analogie entre le potentiel de la matière et sa temporalité.
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Renuntio
2019
Vidéo projetée sur miroir artisanal oxydé
60 x 50 cm
Pièce uniqueTout d’abord, il s’agit d’une vidéo tournée en pleine nuit où un éclairage discontinu vient éblouir l’objectif de la caméra transformant la nuit sombre en une image évanescente. Cette respiration lumineuse vient par la suite s’inscrire dans l’espace d’exposition en étant projetée sur le miroir qui sert simultanément à la construction de la vidéo et à sa diffusion. Le miroir est pensé comme élément de projection et objet sculptural, autonome. L’utilisation du miroir comme surface de diffusion permet l’éclatement de la vidéo dans l’espace, la matière lumineuse est, alors, source de contamination, déploiement d’énergie.
Dès la nuit tombée, l’installation vidéo se révèle sous une autre forme, elle devient plus insistante, plus éclatante comme si les rayons du soleil le jour affaiblissait son discours. La communication mystérieuse qui essaye de s’établir avec l’extérieur est issue du SCOTT, le code morse lumineux employé dans la marine. Ces impulsions lumineuses transmettent, en boucle, un message codé. Comme un cri qui remontrerait à la surface des formes, ce message s’affiche gravé sur le miroir, Renuntio tiré d’un mot latin qui désigne l’acte de renoncer. La réverbération de ce mot souligne l’impératif d’un acte comme une nécessité absolue qui s’impose. Un impératif qui marque une fin de quelque chose. Insoumis aux enjeux de la communication interpersonnelle, Renuntio donne une impression de déraillement, d’étouffement ou d’urgence. -
À force égale
2019
Chaînes, verre soufflé
Dimensions variables
Pièce unique"Suspendu à la chaîne, le verre soufflé semble être sur le point de la brisure mais se maintient, régi par un savant équilibre... Le territoire poétique dans lequel s’installe l’œuvre d’Alexia Chevrollier est ce temps incertain qui précède la destruction, ce moment d’infime tension et de vulnérabilité – cet “inframince”, comme aime à l’appeler l’artiste. C’est là, précisément, que réside la puissance profonde de ses œuvres : dans l’éventualité de leur fracture et de leur dégradation. Derrière leur instabilité, la plasticienne prouve sa résistance face au marché et joue avec cet inévitable paradoxe : faire vivre la matière implique de la fragiliser."
Extrait du texte de Matthieu Jacquet écrit pour l'exposition "À force égale"
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Disparition progressive
2019
Terre crue noire et blanche, métal
Dimensions variables
Pièce unique"Disparition progressive se présente comme un ensemble de six colonnes, de hauteurs inégales, en terre crue retenues par une armature métallique centrale et posées sur des plaques de fer circulaires. Elles sont installées devant deux toiles, peintes avec une émulsion de limaille de fer, d’eau et de sel, accrochées à touche-touche, à angle droit dans un coin de la salle d’exposition. Au premier abord, cette œuvre séduit, malgré l’apparente insignifiance des gestes et des processus qui lui ont donné naissance. On pense à une combinaison des structures molles de Claes Oldenburg et des plaques en acier Corten de Richard Serra.
On pourrait s’arrêter à ce constat, déjà flatteur pour une jeune plasticienne, mais cette œuvre d’Alexia Chevrollier a une portée qui va bien au-delà de cette vision quelque peu superficielle et esthétisante. Elle est porteuse d’un sens plus profond et plus dérangeant que ce qu’un regard rapide pourrait conclure.
Tout d’abord, le rapport d’Alexia Chevrollier à la matière n’est pas celui d’une sujétion ou d’une subordination, mais la mise en œuvre de processus codifiés, quasiment ritualisés, visant à animer la matière – la terre crue ou la surface de la toile – en recourant à des opérations élémentaires du type de celles que Richard Serra énumère – rouler, courber, plier, étaler, déplier... – en essayant de ne laisser aucune trace de sa propre main. Cependant, contrairement aux matériaux utilisés par son aîné, ceux d’Alexia Chevrollier portent en eux un fort potentiel d’incertitudes. La terre crue peut s’affaisser de façon plus ou moins imprévisible. Son long séchage, qui se poursuit bien après la sortie de l’atelier, fait évoluer ses couleurs. L’œuvre reste ainsi éternellement en devenir, même quand le travail du créateur est terminé... Il en est de même de ses toiles dont la texture et la couleur varient en fonction de l’hygrométrie ambiante. Nous ne sommes donc pas en face d’un produit terminé, d’une œuvre achevée, mais d’une étape d’un processus initié par l’artiste sans qu’elle en maîtrise pleinement les conséquences. Par sa démarche, elle nous incite à réfléchir à ce qui distingue une œuvre finie de celle in-progress. Elle anéantit la frontière entre atelier et lieu de monstration en rétablissant une continuité entre l’acte de création et celui de regarder... Un peu à la façon d’une longue performance qui serait désincarnée... Mais non déshumanisée..."Extrait du texte écrit par Louis Doucet pour l'exposition "Cahier de printemps"
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Evanescence
2020
Jus de rouille, bac polyéthylène, métal
107 x 107 cm
Pièce uniqueEvanescence est une œuvre en deux temps.
Tout d'abord, installé au sol, le bac en polyéthylène contient un liquide de jus de rouille. La lente évaporation du jus de rouille fait apparaître des strates de poudres oranges - résidus archéologiques de la transformation du métal. Ce paysage dessiné, formé par la macération de copeaux de métal est ensuite accroché au mur tel un tableau. -
Il pleut
2019
Jus de rouille sur toile, quatre sphères de verre plein
276 X 152 cm, 12 ø
Pièce uniqueIl pleut fait écho au thème des "homo bulla" dans la tradition picturale flamande du XVIIème siècle. "Homo Bulla" pourrait se traduit par "l’homme n’est qu’une bulle", c’est un motif de boules ou bulles de savon qui symbolise le temps et notre existence au monde. Si les "homo bulla" mettent la figure humaine au centre des regards, "Il pleut" invite à poser un regard sur le monde fascinant des matières vivantes afin de questionner le rapport que nous entretenons au temps mécanique et organique.
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SansTitre (l'énigmatique mise en scène du destin)
2019
Jus de rouille sur toile
162 x 130 cm
Pièce uniqueSansTitre (l'énigmatique mise en scène du destin) est une série de peinture monochrome de jus rouille.
À partir du constat que dans la sculpture traditionnelle les matériaux utilisés sont pérennes et résistants afin d’élever un volume, je me suis demandée comment un matériau robuste comme le métal pouvait s’exprimer autrement. J’ai donc choisi de déconstruire les propriétés même de la matière en la rendant liquide. Cette interrogation s’exprime par un jeu de matière, je détourne le métal afin de le déposséder de sa qualité même, la robustesse. Je décris le processus d’altération ou de disparition de matière par des peintures de rouille dont la fluidité confirme le passage vers l’image. Tel un reliquat, le métal est oublié au profit de la visualisation d’un mouvement de modification même, non sans allusion au phénomène temps.