Jeanne De Petriconi
Jeanne de Petriconi étudie à l'université de Corse, aux Beaux Arts d'Avignon et sort diplômée de l’Ensad de Paris en 2009 où elle s'est spécialisée dans la sculpture. En 2010, elle reçoit la mention «Best Young Artist» de l'Arte Laguna à l’Arsenal de Venise avec sa grande pièce Arbre à chaos, et est lauréate des Pépinières Européennes pour Jeunes Artistes. Cette distinction lui permet de partir en résidence à Est-Nord-Est au Québec. En 2011, elle a séjourné en Finlande, puis au Centre d'Art de la Ferme-Asile en Suisse, où elle développe une série de sculptures et installations en lien avec l'architecture. Elle a exposé à la Biennale Internationale pour Jeunes Artistes de Moscou en 2010 et 2012. Elle a présenté en 2011 une première exposition personnelle conséquente au Centre Culturel Una Volta de Bastia. Durant l'année 2012-2013, elle a été Membre Artiste de la Casa de Vélazquez, Académie de France à Madrid. Sa série de sculptures intitulée En contre-plongée, la mer réalisée en résidence a reçu le Prix Wildenstein à Paris. En 2014, elle expose sa sculpture Architectomie #1 au Palais de Cibeles, Mairie de Madrid. En 2015, elle est lauréate du Prix d'Art Contemporain Campos Clinicae. Début 2016, elle réalise une exposition individuelle intitulée Éloge de la folie, à la galerie Gurriarán à Madrid, où elle montre un grand ensemble de pièces inédites. En mars, elle inaugure une exposition personnelle réunissant sculpture-installation et pièce sonore au Musée de la Mémoire Vivante au Canada et expose à la Casa de Velázquez dans le cadre de la Biennale Miradas de Mujeres. Elle inaugure début juin Cinéma/Sculpture: Possibilités de dialogue, une exposition pour laquelle elle a invité le cinéaste Guillermo G. Peydró à dialoguer avec son travail de sculptures à l'Espace d'Art Contemporain Orenga de Gaffory en Haute-Corse.
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Arbre à chaos
(2008)
Assemblage de miroirs brisés (PMMA polyméthacrylate argent), matériaux divers.
(h.350 x 100 x 35 cm)Vue d’exposition : Arsenal de Venise,
Prix Arte Laguna 2009
Mention « Best Young Artist » -
En contre-plongée, la mer (série)
(2013)
Bois, colle, vis, pvc cristal flexible
(h.100 x diam.210 cm) /(h.38 x diam.80 cm)/ (h.17 x diam.35 cm)Vue d’exposition Casa de Velázquez
Prix Georges Wildenstein remis par l’Académie des Beaux-Arts de Paris -
de la série: Architectomie, Etude de cas #1
(2012)
Bois, grillage, clous, cable, aluminium
(diam. 200 x h. 135 cm)Vue d’exposition : Palais de Cibeles - Centre d’Art CentroCentro, Mairie de Madrid - 2014
Les formes en leur silence
Tous les objets sont égaux devant la lumière.
ApollinaireParlez-moi des formes, j'ai grand besoin d'inquiétude.
Paul EluardOn y revient toujours avec la même impuissance, constatant la présence auratique de ce qui dans sa proximité même ne finit pas de nous échapper. Le regard se déploie, s’enroule et se détend, bute à l’évidence. Il faut se déplacer, passer la main si on le peut. Accepter sinon que cela demeure au loin, comme ces animaux exotiques aux formes fascinantes que l’on ne connu longtemps que par les gravures que rapportaient les explorateurs du nouveau monde. On rêve d’ailleurs aux atlas, aux herbiers, aux planches didactiques des encyclopédies, à l’inabordable, à la variété, la plasticité des formes dont ils témoignent comme à des nuages, à ces tâches sur les murs que Vinci conseillait d’observer pour stimuler l’imagination. On colle son esprit à ce que l’on n’a pas su inventer, ce que l’on ne pourrait tout à fait soumettre à son monde et qui s’exile alors toujours dans une irréductible et insondable étrangeté. Les sculptures sont là sous les yeux ; et dans un même temps elles sont ailleurs. En amont ou en aval de ce qu’elles manifestent. Dans quelques limbes de l’expérience.
« La nature à lieu, écrit Mallarmé, on n’y changera pas. Tout l’acte disponible, à jamais et seulement, reste de saisir les rapports, entre temps, rares ou multipliés d’après quelque état intérieur et que l’on veuille à son gré étendre, simplifier le monde ».
Des objets ont lieu, et ce sera toujours fascination : quelque chose advient dans l’espace, une forme se tourne sous le regard, se déploie ou se rétracte, s’architecturant dans la lumière. On ne saurait mieux dire que par des ressemblances, c’est-à-dire à côté : graine, bourgeon, gousse, ourlet organique, cabosse, oursin ou méduse ; vie silencieuse comme disent les germains et les anglo-saxons à la place de notre « nature morte » pour évoquer ce qui éclot et se manifeste par son seul volume, en l’absence de gestes et de paroles.
Il est mal aisé de définir ce qui fait écho en nous au contact de ces monades. Confusément, on ressent seulement que cela a trait au corps ou à sa mémoire, à quelque chose de très intime et de primitif. Ces motifs « composent une logique, avec nos fibres », écrit encore Mallarmé. Font naître le souvenir en soi comme eux le manifestent dans leurs formes de leur/notre génération dans le temps, de quelques cellules primitives, organismes primordiaux dont on a la mémoire. On s’étonne un peu, comme Giacometti, que cela tienne dans la concurrence monumentale du vide qui couvre. Que ce ne soit « pas broyé, écrasé » ou fondu dans le tout, mais existe en propre, se distingue, comme du fait d’une « volonté » intime.
Les sculptures de Jeanne de Petriconi travaillent cette présence simple et troublante des volumes dans l’espace. Présence renouvelée en de multiples variations qui pourraient évoquer l’inventaire d’un ouvrage scientifique, les planches végétales de Karl Blossfeldt du biologiste Ernst Haeckel, les cocasses atlas comparatifs que fit fleurir le XIXème siècle avec ses cabinets de curiosité et les plus récents inventaires d’Hilla et Bernd Becher. Quelque chose est au bord de se livrer de « l’ambiguïté de quelques figures belles » qui éveilla les surréalistes aux objets. Sans doute faudrait-il envisager comme une psychologie des formes pour percevoir avec quoi elles entrent en friction, avec quoi elles s’entretiennent en nous d’inconscient, comment elles se dérobent aussi. Dire comment cela épouse certains épanchements intimes et mêle à la manière du thyrse baudelairien la roide autorité de la présence et la sensualité presque fuyante des courbes : « Ne dirait-on pas que la ligne courbe et la spirale font leur cour à la ligne droite et dansent autour dans une muette adoration? » Oblongues transparences nervurées tels les volumes de l’ensemble « En contre-plongée, la mer » et ses suites récentes, écailles métalliques troublant le contour des « architectomies », les sculptures de Jeanne de Petriconi conjuguent évidence et étrangeté, compacité dense et souplesse. Un peu à la manière du fameux poivron photographié par Weston qui s’immisce incidemment en tête, elles se meuvent dans les territoires de la pensée où le savoir se retire derrière la perception. Le sujet s’efface ou se retrouve transfiguré. Il n’y a plus de différence entre les courbes végétales se renversant dans la lumière, les sables du désert et cette femme dont il photographie l’enchevêtrement des membres sur un seuil. L’érotique corporelle se transfère à tous les objets jouant du concave et du convexe, de l’équation sculpturale du creux et du bombé. On regarde aux dessins de Jeanne de Petriconi comme on laisse le regard dériver à la vitre alors que l’on traverse la ville, caressant les arrangements des architectures, absorbé par leur effet en soi. Peut-être doit-on s’en rendre après toute tentative à cette relation, regarder les formes en leur silence.Jérémy Liron
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de la série: Eloge de la folie - #1
(2016)
Médium, pointes, pvc, glue
(L.33,5 x diam.15 cm)La série Éloge de la folie est conçue à partir de la réappropriation et modification d'éléments inspirés des peintures de Jérôme Bosch et de la persistance de formes architecturales dans mon travail. Cette série croise également les travaux de deux scientifiques allemands de la fin du XI ème siècle : le biologiste Ernst Haeckel et le botaniste Karl Blossfeldt. Le premier a retraduit sous forme d’aquarelles des milliers de planches de plantes, d’animaux et en particulier de diatomées: organismes unicellulaires marins, qui nous révèlent un univers scientifique plus proche du surnaturel, et le second sur lequel a écrit Walter Benjamin, a converti ses herbiers de photographies de plantes en apparentes architectures fantastiques.
Cette série, dont le titre est emprunté du discours d’Érasme, se présente comme une prolifération de sculptures aux allures suggestives, allégorie de la fantaisie débridée, évoquant des architectures ou des formes marines improbables teintées d’érotisme, qui génèrent de nouvelles formes à partir d’associations libres.
Allégorie de la folie des hommes et de leurs contradictions, cette série dont on pourrait imaginer que les fruits aient été cueillis dans ce paradis artificiel dépeint par Jérôme Bosch, se décline sous des formes organiques souples, opaques et translucides, pleines ou évidées, ou au contraire sous l’apparence de structures architecturales rigides et nues. Éloge de la folie, reflète dans un ensemble cohérent, la duplicité de notre nature à la fois muée par des instincts et douée de raison. -
de la série: Eloge de la folie - #2
(2016)
Médium, pointes, peinture acrylique, pvc, glue
(L.72 x diam.19 cm)La série Éloge de la folie est conçue à partir de la réappropriation et modification d'éléments inspirés des peintures de Jérôme Bosch et de la persistance de formes architecturales dans mon travail. Cette série croise également les travaux de deux scientifiques allemands de la fin du XI ème siècle : le biologiste Ernst Haeckel et le botaniste Karl Blossfeldt. Le premier a retraduit sous forme d’aquarelles des milliers de planches de plantes, d’animaux et en particulier de diatomées: organismes unicellulaires marins, qui nous révèlent un univers scientifique plus proche du surnaturel, et le second sur lequel a écrit Walter Benjamin, a converti ses herbiers de photographies de plantes en apparentes architectures fantastiques.
Cette série, dont le titre est emprunté du discours d’Érasme, se présente comme une prolifération de sculptures aux allures suggestives, allégorie de la fantaisie débridée, évoquant des architectures ou des formes marines improbables teintées d’érotisme, qui génèrent de nouvelles formes à partir d’associations libres.
Allégorie de la folie des hommes et de leurs contradictions, cette série dont on pourrait imaginer que les fruits aient été cueillis dans ce paradis artificiel dépeint par Jérôme Bosch, se décline sous des formes organiques souples, opaques et translucides, pleines ou évidées, ou au contraire sous l’apparence de structures architecturales rigides et nues. Éloge de la folie, reflète dans un ensemble cohérent, la duplicité de notre nature à la fois muée par des instincts et douée de raison. -
Possibilités de dialogue
(2016)
Médium, vis, colle, pvc flexible, miroir brisé (PMMA : Polymethyl Methacrylate argent)
(66 x 56 x 30 cm)Mettre en présence deux pièces que tout oppose à première vue et les réunir pour la première fois.
Les confronter et constater qu'elles se complètent.
La première, Arbre à chaos (2008) et la seconde, En contre-plongée, la mer (2013), sont séparées de plusieurs années d'évolution du travail de sculpture de Jeanne de Petriconi.
Chacune évoque un état, l'une le minéral, l'autre l'organique.
La première, cristalline et énergique, fragmente l'environnement qu'elle reflète, l'autre semble concentrer la vie et la diffuser.
À la première on prêterait un grondement, à l'autre un murmure.
La sévérité des lignes droites hérissées s'oppose à la douceur de la courbe.
Dans la première, il semblerait que l'on assiste à la pulvérisation des pièces qui la compose, dans un mouvement vertical, tandis que l'autre se présente telle une forme en repli, souple et ondulante, laissant traverser sa peau d'une lumière chaude.De l'association de ces deux grandes sculptures naît une petite pièce : une créature-minérale, sculpture hybride, fruit de cette rencontre, [qui marque certainement les prémices d'une série plus ample] et qui est présentée dans une immersion d'images en mouvement, une pièce vidéo du cinéaste Guillermo G. Peydró conçue pour l'exposition en dialogue avec les sculptures de Jeanne.
Le projet d'exposition est intitulé Possibilités de dialogue, en hommage à l'œuvre de Jan Švankmajer. Il reflète la complexité de la nature humaine à la fois muée par des instincts et douée de raison. Métaphore du cycle de la vie, de la métamorphose de la matière, le produit de cette rencontre entre sculpture et cinéma à pour effet un brouillage des frontières avec le croisement des différents règnes.