TAC! #4 – DÉNONCIATION
Du lundi 20 avril vendredi 24 avril 2020
Dénonciation
by Marilou Kopp
Pour cette quatrième semaine d’exposition, place à la dénonciation dans l’art. Plus que jamais, alors que nous sommes forcés depuis plus d’un mois à vivre autrement, à penser au mode de vie que nous adoptons, au monde dans lequel nous vivons et surtout à celui dans lequel nous aimerions vivre, dans un futur proche. Une société toujours plus empressée et matériellement perfectionnée, aujourd’hui victime d’une des rares choses qu’elle ne peut contrôler. Cette exposition s’inscrit aussi dans le cadre de la Journée Mondiale de la Terre, qui aura lieu ce mercredi 22 avril 2020. Toute la semaine, créez, inspirez-vous de la nature en utilisant le hashtag #ArtForEarth lancé par le WWF @world_wildlife (à retrouver sur Instagram notamment).
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Note d’intention
J’aime à penser que l’art puisse avoir le pouvoir de nous élever, de nous accompagner en provoquant en nous des changements. J’aime l’art dans sa dimension politique, l’art comme témoin silencieux parfois mais toujours pertinent, d’une époque. Le reflet en somme de notre société, de nos habitudes et de nos comportements.
C’est un art qui dénonce et dérange, forçant les esprits à s’ouvrir, ne serait-ce qu’un peu. Changement climatique, surconsommation, inégalités, individualité, violence, quelle est notre objective place ? Quel rôle pouvons-nous jouer ? Engagé, il peut choquer, il est parfois inutile voire moche, périssable, attributs pourtant empreints de vérité.
- Sybille de Haÿs, Les Oubliés de l’actualité, Installation, 2 animations vidéo-projetées, un meuble avec poignées et roulettes – journaux, 2009-2010
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Sybille de Haÿs nous parle des personnes et des actualités que l’État, les médias et nous-mêmes peut-être, préférons taire. Elle traite de la mémoire dans ses œuvres et du rapport au temps.
« Les Oubliés de l’Actualité met en scène l’effacement de certains pays de la carte du monde par l’absence d’information les concernant. Il montre le peu de conscience que nous pouvons avoir du monde, et ce malgré la quantité d’informations que nous ingurgitons passivement. Tant que nos repères géographiques sont présents, le reste peut disparaître cela importe peu ». Le résultat serait sûrement similaire aujourd’hui, 10 ans après…
- Driss Aroussi, Edificios parados, photographies argentiques, dimensions variables 2010-2012
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Reflet de la précipitation, de la course au profit et à l’efficacité, la série de photographies de Driss Aroussi nous donne à voir ces géants de béton, imprégnés avec autant de violence que de fragilité dans un paysage espagnol à l’origine vierge de toute trace humaine. A peine le temps de construire qu’il devient nécessaire de détruire, il ne restera que pollution visuelle, ces témoins matériels et immobiles, victimes par ricochet de la crise et des aléas d’un marché.
« Des villes aux apparences nouvelles se dressent, résultant de la spéculation et du jeu des promoteurs immobiliers. Ces structures squelettiques convoquent un imaginaire du chaos, ce nouvel ordre précaire urbain transforme la ville en un champ de bataille immobilier et urbanistique. La ville devient le lieu où l’architecture témoigne et affirme encore plus la fragile posture de l’homme face à la spéculation, face aux aléas du marché ».
- Hadrien de Corneillan, A day at the sea, acrylique sur toile
- Page artiste
- Site internet
- Félix Wysocki Apaiz, Outside, Graffiti, 21 rue de Calais, Strasbourg, Alsace, 2017-2019
Cri d’indignation, les œuvres de Félix Wysocki Apaiz renvoient aux fractures sociales et environnementales. Il représente dans ses gravures contrastées et animées des personnes isolées, oubliées, marginalisées. La série de gravures « Isola » rend visible les personnes âgées et la fragilité de la vie humaine tandis que « Kiki, sacoche et aspirine » donne la parole à trois personnes sans domicile fixe dans le cadre d’une vidéo, elle aussi bourrée d’empathie et de fragilité.Dans la série « Outside » il peint et photographie des graffitis dans l’Est de la France. Il met en lumière ces zones urbaines, qui font alors sens. Dans un paysage visiblement marqué par la trace humaine, ces poissons, entassés, livides, négligés sont le reflet d’une société d’excès, vivant bien au-delà de ses besoins, laissant derrière elle les victimes de la profusion. Le message est clair.
- Alejandro Durán, Série Washed Up, Mar (Sea), 2013
Alejandro Durán collecte des déchets issus de la mer, en particulier de Sian Ka’an, réserve naturelle située au Mexique, n’échappant pas aux courants marins et au sort réservée au monde marin dans sa globalité. Les ordures des six continents ont été identifiées. Il crée à partir de ces déchets internationaux un paysage surréaliste. ———————————–
Les détritus ne sont pas peints, mais simplementorganisés par couleurs, se fondant avec une harmonie paradoxale dans le paysage.
« Ces installations reflètent la réalité de la situation actuelle de notre environnement. La série de photos qui en résulte représente une nouvelle forme de colonisation par le consumérisme, où même un terrain non aménagé n’est pas à l’abri de l’impact profond de notre culture jetable ».
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- Silvia B. Quiti, Herméneutique du duende, Acrylique et or 23 carats sur toile, 50x70cm
Silvia B. Quiti représente des étrons recouverts d’or et révélant “l’insondable” valeur des choses. Elle appelle ses concepts Duende, à la fois signification de lutin domestique et de tissu broché d’or ou d’argent en espagnol. « Mes Duende cherchent avant tout à faire cohabiter l’adulte et l’enfant en nous : Ne les prenez donc ni au premier degré, ni trop au sérieux !”Ici, l’artiste reprend l’œuvre la plus controversée du siècle précédent, l’urinoir renversé célèbre sous le nom de Fontaine signé à l’encre noire “R.Mutt 1917” par Marcel Duchamp. Empreintes d’innocence et de beaucoup d’humour, ses œuvres sont malgré tout pleines de sens et de lucidité… Pas de doute sur ce que l’on nous vend, mais surtout sur ce que l’on achète.
8 DUENDE, TENDREMENT CON, Acrylique et or 23 carats sur toile, 100x80cm.
- Antoine Repessé, #365 Unpacked, 2011-2015
L’artiste donne une dimension esthétique à son travail en ne gardant que certains déchets, il les tri, d’où le côté graphique de ses photographies. «On nous rappelle souvent la quantité de déchets que nous produisons, Mais je pense que l’impact d’une image peut être plus puissante qu’une tonne de mots (…). J’espère que mon projet peut inspirer le changement ».
- Catie de Balmann, Robes de Voyages, Voyages de Robes, 1998-2016, Performance
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Deuxième industrie la plus polluante au monde, le textile passe parfois inaperçu. Catie de Balmann ne pointe pas du doigt cette industrie mais questionne les échanges et le commerce de manière générale. Lors de voyages à Madagascar, elle crée une unique robe, constituée d’une multitude d’étiquettes, de toutes marques confondues :
« Je récupère des surplus d’étiquettes auprès des usines délocalisées, mais aussi sur les fripes importées des pays d’Europe ».
Elle décline ce model en 18 pièces uniques, avec chacune leur histoire, imagée autour de performances.
“ Cette collection de robes fait appel à la notion de commerce. Deux conceptions de l’économie, bien distinctes, sont confrontées dans ses œuvres. L’artiste met en parallèle l’idée de commerce comme échange. Elle place face à face une culture libérale de la consommation (les marques commerciales) et une culture de récupération, de la réutilisation, du recyclage, proprement africaine”.
Au travers de ses installations, collages, sculptures et photographie, Yasmina Ouahid traite de la mode contemporaine. Elle détourne son matériel, empreignant les pièces de sens, en accentuant encore davantage l’inconfort et l’envers des accessoires de mode féminins. Elle interroge à la fois l’industrie du textile et le statut de la femme ainsi que son identité.Ici, l’artiste place de faux billets sur une robe posée sur un buste. A priori esthétique et colorée, cette robe ne semble pourtant qu’être le reflet des codes et de nos habitudes de consommation.