Jeannie Abert
Née en 1987, vit et travaille à Arles.
Jeannie Abert est diplômée de l'Ecole supérieure d'art et de design de Saint-Etienne (2009) et de l'Ecole nationale supérieure de la photographie d'Arles (2013) Elle effectue une résidence à l'International Center of Photography de New-York en 2011. Sa série Révolutions est récompensée par le prix Oblick à Strasbourg (2014) Son travail a été notamment présenté aux Rencontres d'Arles (2013), à Toulouse lors du festival ManifestO (2013), à Amsterdam pour Unseen Photo Fair (2014), au 30ème Festival international de mode et de photographie, à la Villa Noailles, Hyères (2015), à la Galerie Thaddaeus Ropac pour Jeune Création (2016). Elle a récemment été accueillie en résidence de création à la Villa Pérochon (Niort), lors des 22ème Rencontres de la jeune photographie internationale. Guidée par le monde animal et végétal, elle s'est attachée à établir des connexions entre photographie et matériaux. Son travail a fait l'objet de nombreuses publications.
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La photographie est un point de départ, une base de recherche expérimentale que j'envisage comme une matière brute malléable. Faisant un pied de nez à l’écran, paradigme du regard contemporain, je souhaite interroger l’image en la ramenant à une matérialité. Par la technique du collage, je tente de trouver un équilibre entre ces pièces issues de sources multiples. Je les collecte, les sors d’un flux et me les réapproprie, constituant ainsi mon propre vocabulaire formel. Ces assemblages peuvent être appréhendés comme une forme de résistance provoquant la rencontre d’éléments et de forces contraires qui questionne le réel en en proposant une autre lecture. Il s’agit d’inciter l’activation des forces du regard et de questionner la place de la photographie dans notre société où elle semble être considérée comme tout autre bien, éphémère et jetable. Je m’emploie à prélever certaines images depuis les médias numériques aux journaux, en passant par les albums de famille et les rebuts. Le papier devenant un espace de «jeu» susceptible d’ouvrir à de nouvelles préoccupations plastiques.
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Les maîtres silencieux
15 collages sur papier, dimensions variables
/ À l’écoute des formes du vivant.
Pour une poétique de la coexistence cosmique /
texte de Véronique BergenTout est parti d’un choucas recueilli qui a ouvert à Jeannie Abert les portes du monde animal. Le choucas-passeur a catalysé la série de collages qu’il féconde de ses esprits. Loin de toute théorie militante, de tout pathos, l’artiste nous invite à repenser notre rapport au vivant, à faire bouger les frontières établies entre êtres à deux, quatre ou mille pattes, entre nature et urbanité. Mise en relation déconcertante, surréelle d’images venues de contextes divers, le collage crée un appariement insolite de mondes hétérogènes, ouvre l’humain autocentré à l’animal. La libération d’une syntaxe visuelle inédite bouscule nos évidences, notre cynisme, rend le silence des animaux visible.
Les collages mêlant photographies, illustrations permettent au spectateur de converser avec toutes les formes du vivant. Une femme à tête de chouette, une tectonique des plaques où s’entrechoquent un chimpanzé et un œil suspendu, où un loup hurlant et une architecture moderne se télescopent, une arche de Noé d’animaux en lévitation, des chasseurs arborant leur butin… Les hybridations mises en scène ne visent pas à araser les différences mais à déconstruire notre regard, notre principe anthropique. Soumises à des rencontres improbables, les recompositions poétiques décousent nos paupières, nos sens bâillonnés, nous amènent de l’autre côté du voir, derrière la matière, là où bruissent les esprits des animaux, des plantes.
Jeannie Abert nous convie à une révolution mentale. Le choucas a été son messager. À son tour, elle est notre choucas-héraut dont les créations sont des contre-feux aux artisans de la mort, aux conquérants prométhéens qui hâtent la fin du cosmos. Derrière le bestiaire des animaux exploités, exterminés, domestiqués, la voix du chaman yanomami, Davi Kopenawa, s’élève « La forêt est vivante. Elle ne peut mourir que si les Blancs s’obstinent à la détruire ». Jeannie Abert nous ouvre un troisième œil, une brèche vers un au-delà de Descartes et son homme « maître et possesseur de la nature ».
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Les replis du vivant
Collages sur moulages en plâtre, polaroid, feuille d'or, matériaux naturels
Ensemble réalisé au cours d'une résidence de création à la Villa Pérochon puis exposé lors des 22èmes Rencontres de la jeune photographie internationale à Niort (2016)/ Le vivant est immédiat à lui-même, il ne résulte pas mais avance, trie, déploie, redistribue, longe, ronge, envahit, s'envahit lui-même : vivants nous sommes enveloppés dans le vivant, dans ses écarts, ses élans, ses replis. /
Jean-Christophe Bailly, Le parti pris des animauxGuidée par le monde animal et végétal, je tente de créer une surface sensible où les images du monde, multiples et singulières, viennent entrer en collision avec les matériaux. Comme un prolongement, le paon se retrouve pointé par l'extrémité de la tige de palmier strié, l'oiseau se perche sur son support, le caméléon s'enroule autour d'une branche, le lapin géant se cache au fond d'une boîte rouillée. La photographie se réactive au contact de la matière et l'incarne physiquement. Les images autour de moi ; celles que j'ai recueilli, celles que j'ai cherché, celles qui m'ont surprise, sont venues se déposer sur le support. Le plâtre a épousé les plis et les a mémorisé en séchant. L'image se dépose alors doucement sur les sinuosités. En fragments, en confettis parfois. Le polaroid se fond comme une peau fragile et aqueuse révélant la fragilité du vivant.
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Révolutions
10 collages sur papier, dimensions variables
Ces collages ont été réalisés à partir d'images collectées dans la presse au début des affrontements qui ont soulevé le monde arabe en 2011.
Tunisie, Algérie, Yemen, Jordanie, Mauritanie, Oman, Arabie Saoudite, Liban, Egypte, Libye, Syrie, Autorités palestiniennes, Maroc, Soudan, Djibouti, Bahrein, Irak, Somalie, Koweit, Chypre et Iran connaissent des soulèvements populaires sans précédent. Ce travail est une façon de rendre hommage à ceux et à celles qui luttent ensemble pour la liberté.Cet ensemble a été notamment présenté aux Rencontres d'Arles 2013 et à l'Institut français d'Amsterdam ( Unseen Photo Fair 2014 )
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Collapse
24 collages, dimensions variables
Ensemble réalisé au cours d'une "conversation photographique" avec Stanley Greene encouragée par Olympus
(Vue de l'exposition "Échanges de vues", Galerie Les Filles du Calvaire, Paris, 2015)(...) Jeannie Abert s'adosse aux images de guerre de Stanley Greene, les détourne et les recompose. Destins fracassés, paysages accidentés, images déchirées, le monde n'est plus unifié, il est découpé en strates et fracturé. Que reste-t-il de ces vies qui partent en fumée? Des bribes de paysages et des bribes d'histoires.
Natacha Wolinski
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Les machines célibataires
14 collages sur papier
21 par 29,7 cmJ’ai réalisé mes premières « machines célibataires » il y a quelques années. Il s’agissait de sculptures constituées d’éléments glanés parmi des objets de récupération. L’idée de ces assemblages, nés de rencontres fortuites de formes et de matériaux, m’inspire aujourd’hui des collages établis à partir d’images de magazines : je procède en assemblant ces pièces, comme dans une chaîne de montage qui combinerait des éléments contradictoires. Avec des fragments hétérogènes d’objets photographiés – matériaux bruts et textures naturelles (fer, pierre, paille...) – associés à des éléments manufacturés devenus inutiles, je crée un objet sans fonction destiné à rester unique, une « machine célibataire », autonome et indépendante.
Cette série a notamment été exposée au 30ème Festival international de mode et de photographie 2015, Villa Noailles, Hyères
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Vol au-dessus de la mer
Rayogrammes
Cyanotypes sur coton, dimensions variables
Ensemble réalisé au cours d'une résidence de création au Hameau des Baux (Paradou), à partir d'éléments collectés sur place
Vue d'exposition, Galerie Labotega, ItalieJe développe parallèlement mes recherches avec le cyanotype, ce procédé alternatif et ancien de tirage photographique. Ici, c’est le soleil qui fait l’image, directement. Une image bleue. Cette technique me permet de travailler en toute autonomie. Le rapport à l’image est tactile, presque artisanal. Tout est mis en oeuvre par la main et l’on s’approche de la peinture lorsque le pinceau applique l’émulsion sur le support.
"Vol au-dessus de la mer" est une tentative de retrouver le souffle contenu, l'énergie vibrante à l'intérieur des branches, des cailloux, des pétales disséminés. Ces images d'azur sont les empreintes d'un monde renouvelé. Elles dessinent le vent et les plis. Le soleil ranime ce qui s'est engourdi, transperçant la matière, caressant les contours. Le bleu du ciel se noie dans l'eau. Un trouble apparait. Un trésor semble enfoui à des lieues. Se pourrait-il que nous survolions la mer ?