Hugo Petit
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Espace augmenté #1
2022
Projection
Photogrammétrie et sculpture 3D
Pièce uniqueNotre époque contemporaine est de plus en plus marquée par un développement dans les sphères virtuelles. Cela prolonge l’idée théorisée par le designer et architecte Andrea Branzi selon laquelle l’espace urbain est en pleine hybridation. D’après lui, dans notre époque de flux de marchandises, de personnes et d’informations, la « circulation » est le phénomène dominant et modèle tous nos lieux de vie, de production et d’échange.
Il en résulte un effacement plus ou moins marqué des délimitations entre les espaces classiques de nos sociétés. L’architecture, qui était auparavant au coeur des questionnements de développement d’une ville - dans un double rapport historique à l’espace et au temps - laisse dorénavant sa place d’acteur principal aux biens muables. La ville a perdu son caractère solide et permanent. Elle est maintenant fluide et liquide. Les lieux qui avaient été dotés d’une fonction précise à leur création sont de plus en plus réemployés en fonction de nouveaux besoins changeants. Ainsi, des anciennes usines, comme la Fileuse, deviennent des friches artistiques et voient leur espace se transformer au fur et à mesure que des personnes, des idées et des matières y passent.Cette conception de la ville fluide s’accentue avec le développement de nos sociétés dans les sphères virtuelles. Une forme de déterritorialisation apparaît et une part importante de la vie sociale, économique et culturelle se passe dorénavant entre espace réel et virtuel. Plus qu’une navigation de l’un vers l’autre, c’est à une fusion des deux que l’on assiste. Cette augmentation fictive du réel est ce qui définit l’hyperréalité. Dans mon travail actuel c’est à cette hyperréalité et aux espaces hybrides que je m’intéresse.
Au moyen de la photogrammétrie (technique permettant de reconstruire en trois dimensions un espace ou un objet à l’aide de photographies prises sous différents angles), je transpose des espaces physiques (dans ce cas précis, des espaces de la Fileuse à Reims) dans un monde numérique. Ainsi, je peux modeler ces espaces afin de leur conférer un nouvel aspect et leur ajouter une tension, un mouvement. Les formes captées dans le réel dialoguent avec des éléments constitutifs de l’espace numérique (polygones, vertex, textures, etc).
Ces espaces « augmentés » n’ont plus d’état défini. Ils sont à la fois chantier et ruine et gardent en eux la puissance symbolique de ces deux états. -
Espace augmenté #2
2022
Projection
Photogrammétrie et sculpture 3D
Pièce uniqueNotre époque contemporaine est de plus en plus marquée par un développement dans les sphères virtuelles. Cela prolonge l’idée théorisée par le designer et architecte Andrea Branzi selon laquelle l’espace urbain est en pleine hybridation. D’après lui, dans notre époque de flux de marchandises, de personnes et d’informations, la « circulation » est le phénomène dominant et modèle tous nos lieux de vie, de production et d’échange.
Il en résulte un effacement plus ou moins marqué des délimitations entre les espaces classiques de nos sociétés. L’architecture, qui était auparavant au coeur des questionnements de développement d’une ville - dans un double rapport historique à l’espace et au temps - laisse dorénavant sa place d’acteur principal aux biens muables. La ville a perdu son caractère solide et permanent. Elle est maintenant fluide et liquide. Les lieux qui avaient été dotés d’une fonction précise à leur création sont de plus en plus réemployés en fonction de nouveaux besoins changeants. Ainsi, des anciennes usines, comme la Fileuse, deviennent des friches artistiques et voient leur espace se transformer au fur et à mesure que des personnes, des idées et des matières y passent.Cette conception de la ville fluide s’accentue avec le développement de nos sociétés dans les sphères virtuelles. Une forme de déterritorialisation apparaît et une part importante de la vie sociale, économique et culturelle se passe dorénavant entre espace réel et virtuel. Plus qu’une navigation de l’un vers l’autre, c’est à une fusion des deux que l’on assiste. Cette augmentation fictive du réel est ce qui définit l’hyperréalité. Dans mon travail actuel c’est à cette hyperréalité et aux espaces hybrides que je m’intéresse.
Au moyen de la photogrammétrie (technique permettant de reconstruire en trois dimensions un espace ou un objet à l’aide de photographies prises sous différents angles), je transpose des espaces physiques (dans ce cas précis, des espaces de la Fileuse à Reims) dans un monde numérique. Ainsi, je peux modeler ces espaces afin de leur conférer un nouvel aspect et leur ajouter une tension, un mouvement. Les formes captées dans le réel dialoguent avec des éléments constitutifs de l’espace numérique (polygones, vertex, textures, etc).
Ces espaces « augmentés » n’ont plus d’état défini. Ils sont à la fois chantier et ruine et gardent en eux la puissance symbolique de ces deux états. -
quelque chose suit son court #1
Sans lieu, sans date
30*45 cm
Photographie
10 éditionsQuelque chose suit son cours, est en train de changer, plus ou moins lentement. Ce temps long, cette durée qui s’étend, est à rebours du flux constant de nouveautés qui anime notre époque.
Dans celle-ci, tout circule et doit constamment circuler « afin de se reproduire, de se développer et de se multiplier » comme nous l’explique Slavoj Žižek dans le film The Pervert’s Guide to Ideology (2012). Il en résulte des quantités énormes de déchets. Déchets que l’on essaie tant bien que mal de dissimuler.
Cependant, selon Žižek, « on ne devrait pas réagir face à ces montagnes de déchets en essayant de nous en débarrasser. La première chose à faire est peut-être d’accepter […] qu’il y ait certaines choses qui ne servent à rien, de sortir de ce cycle éternel de fonctionnement. Le philosophe allemand Walter Benjamin […] a dit qu’on vivait l’histoire […] non pas quand on est engagé dans des choses en mouvement, mais seulement quand on voit les déchets de notre culture être repris par la nature. C’est là qu’on a une petite intuition de ce qu’est l’histoire. Ceci explique peut-être la valeur rédemptrice des films post-apocalyptiques. On y voit l’environnement humain dévasté, des usines vides, des machines en morceaux, des boutiques désertes. Ce qu’on ressent à ce moment-là, le terme psychanalytique pour cela serait l’inertie du réel, cette présence muette au-delà de toute signification. »
Cette présence muette au-delà de toute signification, dont parle Žižek, est quelque chose de « premier ». Elle n’est pas troublée par un prisme idéologique. Les récits et les fictions ne font plus écran avec la réalité. Plus rien ne nous met à distance de la chose en soi. Ce « moment absolument artistique de véritable passivité » que l’on ressent face aux déchets, nous donne l’occasion de saisir pleinement l’existant.
Néanmoins, cet existant qu’il est possible de saisir n’est, selon moi, pas totalement inerte. Il est mû par un élan infime, animé de légers soubresauts. Il passe indéfiniment d’un état à un autre. Un mouvement qui s’opère dans un temps extrêmement long.
Dans mon travail photographique, c’est cette présence muette, ce mouvement infime du réel, que j’essaie de capturer.
Je veux saisir cette chose première qui se passe devant nous. Celle-ci transparaît à travers les déchets, selon Žižek. J’ai le sentiment que la ruine et les formes en déclin en sont également révélatrices, au même titre que les lumières fuyantes et les espaces altérés.
L’absence d’informations (date et nom de lieu) me permet de ne témoigner d’aucune époque et d’aucun endroit. Il en va de même pour le noir et blanc qui semble donner un aspect intemporel aux choses. Quel que soit le temps et où que l’on soit, il n’est ici question que d’espace en voie de changement.
En captant ce qui émane de cet ensemble, j’essaie de faire ressentir que quelque chose s’est passé, se passe, va se passer, que quelque chose est en train de suivre son cours.
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quelque chose suit son court #2
Sans lieu, sans date
30*45 cm
Photographie
10 éditionsQuelque chose suit son cours, est en train de changer, plus ou moins lentement. Ce temps long, cette durée qui s’étend, est à rebours du flux constant de nouveautés qui anime notre époque.
Dans celle-ci, tout circule et doit constamment circuler « afin de se reproduire, de se développer et de se multiplier » comme nous l’explique Slavoj Žižek dans le film The Pervert’s Guide to Ideology (2012). Il en résulte des quantités énormes de déchets. Déchets que l’on essaie tant bien que mal de dissimuler.
Cependant, selon Žižek, « on ne devrait pas réagir face à ces montagnes de déchets en essayant de nous en débarrasser. La première chose à faire est peut-être d’accepter […] qu’il y ait certaines choses qui ne servent à rien, de sortir de ce cycle éternel de fonctionnement. Le philosophe allemand Walter Benjamin […] a dit qu’on vivait l’histoire […] non pas quand on est engagé dans des choses en mouvement, mais seulement quand on voit les déchets de notre culture être repris par la nature. C’est là qu’on a une petite intuition de ce qu’est l’histoire. Ceci explique peut-être la valeur rédemptrice des films post-apocalyptiques. On y voit l’environnement humain dévasté, des usines vides, des machines en morceaux, des boutiques désertes. Ce qu’on ressent à ce moment-là, le terme psychanalytique pour cela serait l’inertie du réel, cette présence muette au-delà de toute signification. »
Cette présence muette au-delà de toute signification, dont parle Žižek, est quelque chose de « premier ». Elle n’est pas troublée par un prisme idéologique. Les récits et les fictions ne font plus écran avec la réalité. Plus rien ne nous met à distance de la chose en soi. Ce « moment absolument artistique de véritable passivité » que l’on ressent face aux déchets, nous donne l’occasion de saisir pleinement l’existant.
Néanmoins, cet existant qu’il est possible de saisir n’est, selon moi, pas totalement inerte. Il est mû par un élan infime, animé de légers soubresauts. Il passe indéfiniment d’un état à un autre. Un mouvement qui s’opère dans un temps extrêmement long.
Dans mon travail photographique, c’est cette présence muette, ce mouvement infime du réel, que j’essaie de capturer.
Je veux saisir cette chose première qui se passe devant nous. Celle-ci transparaît à travers les déchets, selon Žižek. J’ai le sentiment que la ruine et les formes en déclin en sont également révélatrices, au même titre que les lumières fuyantes et les espaces altérés.
L’absence d’informations (date et nom de lieu) me permet de ne témoigner d’aucune époque et d’aucun endroit. Il en va de même pour le noir et blanc qui semble donner un aspect intemporel aux choses. Quel que soit le temps et où que l’on soit, il n’est ici question que d’espace en voie de changement.
En captant ce qui émane de cet ensemble, j’essaie de faire ressentir que quelque chose s’est passé, se passe, va se passer, que quelque chose est en train de suivre son cours.
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quelque chose suit son court / archives
Sans lieu, sans date
30*45 cm
Photographie
10 éditionsQuelque chose suit son cours, est en train de changer, plus ou moins lentement. Ce temps long, cette durée qui s’étend, est à rebours du flux constant de nouveautés qui anime notre époque.
Dans celle-ci, tout circule et doit constamment circuler « afin de se reproduire, de se développer et de se multiplier » comme nous l’explique Slavoj Žižek dans le film The Pervert’s Guide to Ideology (2012). Il en résulte des quantités énormes de déchets. Déchets que l’on essaie tant bien que mal de dissimuler.
Cependant, selon Žižek, « on ne devrait pas réagir face à ces montagnes de déchets en essayant de nous en débarrasser. La première chose à faire est peut-être d’accepter […] qu’il y ait certaines choses qui ne servent à rien, de sortir de ce cycle éternel de fonctionnement. Le philosophe allemand Walter Benjamin […] a dit qu’on vivait l’histoire […] non pas quand on est engagé dans des choses en mouvement, mais seulement quand on voit les déchets de notre culture être repris par la nature. C’est là qu’on a une petite intuition de ce qu’est l’histoire. Ceci explique peut-être la valeur rédemptrice des films post-apocalyptiques. On y voit l’environnement humain dévasté, des usines vides, des machines en morceaux, des boutiques désertes. Ce qu’on ressent à ce moment-là, le terme psychanalytique pour cela serait l’inertie du réel, cette présence muette au-delà de toute signification. »
Cette présence muette au-delà de toute signification, dont parle Žižek, est quelque chose de « premier ». Elle n’est pas troublée par un prisme idéologique. Les récits et les fictions ne font plus écran avec la réalité. Plus rien ne nous met à distance de la chose en soi. Ce « moment absolument artistique de véritable passivité » que l’on ressent face aux déchets, nous donne l’occasion de saisir pleinement l’existant.
Néanmoins, cet existant qu’il est possible de saisir n’est, selon moi, pas totalement inerte. Il est mû par un élan infime, animé de légers soubresauts. Il passe indéfiniment d’un état à un autre. Un mouvement qui s’opère dans un temps extrêmement long.
Dans mon travail photographique, c’est cette présence muette, ce mouvement infime du réel, que j’essaie de capturer.
Je veux saisir cette chose première qui se passe devant nous. Celle-ci transparaît à travers les déchets, selon Žižek. J’ai le sentiment que la ruine et les formes en déclin en sont également révélatrices, au même titre que les lumières fuyantes et les espaces altérés.
L’absence d’informations (date et nom de lieu) me permet de ne témoigner d’aucune époque et d’aucun endroit. Il en va de même pour le noir et blanc qui semble donner un aspect intemporel aux choses. Quel que soit le temps et où que l’on soit, il n’est ici question que d’espace en voie de changement.
En captant ce qui émane de cet ensemble, j’essaie de faire ressentir que quelque chose s’est passé, se passe, va se passer, que quelque chose est en train de suivre son cours.