Guillaume LEPOIX
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Cabane de ferrailleur
Date : 2022
Format et technique : installation – structure bois – tissu impriméAu cœur du musée d’histoire naturelle, une forme étrange semble être soudainement sortie de terre. Elle se manifeste comme un objet incongru, apparaissant de nulle part, à la manière d’un champignon géant venu contaminer les collections du musée. Les motifs abstraits qui colorent son tronc, figurent peu à peu une entité reconnaissable au sommet : une architecture. C’est bien une sorte d’abri de jardin ou de cabanon vernaculaire, une vieille cabane faite de bric et de broc, qui trône au sommet de cette structure.
Présentée parmi les objets hétéroclites du musée, cette construction confronte sa désuétude et la conjugue avec l’étrangeté, la fascination et l’exotisme que dégage ses collections. Cette nouvelle condition peut la donner à voir à la fois comme une pièce d’archéologie, une sauvegarde patrimoniale, un lieu de culte. Elle est, temps d’une exposition, élevée au rang d’objet de collection, «muséifiée» par l’écrin qui l’accueil.
L’idée de la « conserver » n’entre pas en opposition avec sa nature. En effet, ce type de construction s’oppose au provisoire en ce sens qu’elle n’est pas un pis-aller en attendant autre chose, mais une architecture existant pour elle-même, le temps que quelque chose se produise (Raveneau et Sirost, Anthropologie des abris de loisirs).J’ai choisi de représenter ici ce type de bicoque, car leur aspect « débraillé » m’a toujours fasciné. En effet, elles sont emblématiques d’un déni des normes esthétiques et sociales. Elle représentent une marge et elles sont revendiquées comme des espaces d’autonomie, de liberté par les anarchitectes des jardins, comme l’exprime si bien Dominique Bachelart dans son texte « S’encabaner ».
L’idée de la « conserver » n’entre pas en opposition avec sa nature. En effet, ce type de construction s’oppose au provisoire en ce sens qu’elle n’est pas un pis-aller en attendant autre chose, mais une architecture existant pour elle-même, le temps que quelque chose se produise (Raveneau et Sirost, Anthropologie des abris de loisirs).J’ai choisi de représenter ici ce type de bicoque, car leur aspect « débraillé » m’a toujours fasciné. En effet, elles sont emblématiques d’un déni des normes esthétiques et sociales. Elle représentent une marge et elles sont revendiquées comme des espaces d’autonomie, de liberté par les anarchitectes des jardins, comme l’exprime si bien Dominique Bachelart dans son texte « S’encabaner ».
Mais les pans de tissus qui composent cette installation rappellent aussi les cabanes que font les enfants avec de simples couvertures et quelques coussins. Ces huttes deviennent aussi un habitat intime et éphémère, un lieu en marge, siège de la liberté et du rêve. Certains pédopsychiatres ont montré leur importance en tant qu’ aires transitionnelles et leurs fonctions dans le développement de l’imaginaire de l’enfant.
Le public est donc aussi invité à quitter la clarté des vitrines du musée en poussant les tentures et de se glisser à l’intérieur de la cabane. Cette dernière devient ainsi un passage vers un monde onirique et mystérieux. Plongés dans une pénombre verdâtre, les visiteurs pourront expérimenter une ambiance similaire à celle des réserves du musée : l’atmosphère troublante et blafarde des lampes anti-insectes, éclairant des formes étranges qu’on devine être des animaux empaillés, des crânes muets, des momies endormies et des masques occultes.
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Forêt primaire
Date : 2017-2022
Format et technique : installation numérique interactive 3DCe projet numérique interactif offre aux publics l’occasion de participer activement à la création de l’œuvre : cette expérience vidéo-ludique propose d’explorer une forêt virtuelle crée à partir de dessins, principalement réalisés par des enfants.
Chaque arbre reflète la personnalité de chacun, tout en se fondant dans l’ensemble complexe et protéiforme qu’est la forêt elle-même.
Le spectateur/joueur est ainsi invité à explorer cette étrange jungle et à admirer les différents dessins réalisés.Ce projet a donc l’allure d’un jeu vidéo sans vraiment en être un, du moins pas un jeu classique : il n’y a ici, aucun score à atteindre, aucun ennemi à abattre, ni énigme à résoudre et aucun but réellement explicité sinon celui de la libre déambulation, de l’exploration et de la contemplation. C’est un projet en perpétuelle évolution : l’objectif de chaque atelier est de récolter un maximum de dessins pour avoir la forêt la plus variée possible. Ce qui signifie que plus il y a de participants, plus la biodiversité est grande !
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Symbioses rêvées
Date : 2022
Format et technique : Série de 9 vidéos UHD en boucleCe projet trouve son origine dans l’envie de brouiller les frontières entre peinture, vidéo et création numérique.
L’idée était donc de trouver un moyen de donner corps à la peinture en l’inscrivant dans le temps, tout en gardant son ancrage dans la singularité et l’unicité de l’image picturale.Pour ce faire, je me suis associé avec des élèves du CP, CE1, CE2, CM1 et CM2 de différentes écoles lilloises dans le cadre d’une résidence A.R.T.S.
Chaque classe devait créer sa propre composition au sein d’un espace donné : la serre équatoriale de Lille.Cette démarche constitua à mettre en scène les différents « modèles » au sein du cadre foisonnant de la serre. Entre trois et cinq enfants sélectionnés devaient se positionner entre les multiples fougères, troncs, lianes, et autres feuilles géantes que forme ce théâtre luxuriant. Les autres s’attelaient à les filmer et les dessiner sur le motif. Chaque groupe constituait ainsi une série de portraits animés d’élèves, posant comme pouvaient le faire les modèles des peintres classiques. Cette manœuvre initiale pouvait déjà être vue comme le reflet d’un premier essai de « symbiose » avec l’environnement végétal.
De retour en classe quelques semaines plus tard, l’idée était de peindre le souvenir de cette expérience sur grand format. Chaque groupe d’élèves composés de quatre à six personnes se sont affairés à réaliser des peintures collectives. Chacune de ces images, composées d’après une capture d’écran des vidéos précédentes, apparaissaient autant dans un mélange de remémoration des couleurs que dans une libre interprétation artistique.
La dernière phase du projet a été d’essayer, via les outils numériques, d’associer et de fusionner ces peintures avec les vidéos précédemment réalisées.
Dans l’observation de ce processus et des transmutations qui en découlent, les enfants ont pu constater que leur travail change de nature lorsqu’il glisse d’une technique à l’autre, acquérant les caractéristiques de la peinture (fixité, composition, aplats et touches de couleurs) tout en y imposant celle de la vidéo (écoulement du temps, mouvement dans l’espace, matière numérique, etc). Dans cet alliage pictural, chaque médium se met au service de l’autre.
De cette manière, les élèves ont pu autant développer leur ouverture sur ces différentes techniques artistiques, que leur curiosité en découvrant les heureux hasards que la création permet d’explorer, tout en déroulant leur imaginaire attisé par les nouvelles formes et couleurs qu’ils voyaient apparaître sous les pinceaux et sur les écrans.
Les résultats de ces « symbioses » donnent à voir des productions hybrides, dans lesquelles les corps deviennent eux-même pur camouflage, révélant par endroits leur présence discrète par de légers déplacements. Ces danses subtiles transforment l’environnement pictural comme pourrait le faire les pinceaux d’un peintre fauve. Fondant et confondant les corps avec le décor qui les entoure, ces compositions expriment aussi une forme de fantasme de l’Homme sauvage. L’atmosphère étrange et exotique qu’y s’en dégage est aussi un moyen de donner corps à ce rêve mythique de fusion entre l’Humain et la Nature.
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Le Banquet Parterre
Date : 2021
Format et technique : performance filmée – vidéo HD – 7min55
Collaboration : Richard Pereira de MouraRésumé du projet :
D’abord, une envie ; celle de clôturer une résidence artistique de quelques mois par une fête entre amis. Ensuite, une vision, dont nous ne sommes pas parvenus à retracer l’origine ; celle d’assises creusées dans la terre. Enfin, une référence ; la performance du Déjeuner sous l’herbe à l’occasion de l’enterrement du tableau-piège réalisée en 1983 par Daniel Spoerri. Parsemons cela d’un goût commun pour le détournement et d’une dose de détermination, et voilà réunis les principaux ingrédients nécessaires à la réalisation de l’action culinaire et artistique intitulée » Le banquet parterre « . -
La ligne des dunes
Date : 2022
Format et technique : enquête et performance filmée – vidéo UHD – 35 min
Collaboration : Richard Pereira de MouraLe film La ligne des dunes retrace le cheminement d’un chantier artistique mêlant enquête, construction et performance.
Il a été réalisé lors d’une résidence de création au quartier du Petit Steendam de Coudekerque-Branche dans le nord de la France.onsidérant l’omniprésence des lignes électriques haute tension traversant ce lieu de vie au cœur du territoire industriel dunkerquois, l’esthétique des pylônes et des lignes est devenue le prétexte à la documentation de la vie du quartier et de son histoire. Les cartographies historiques témoignent de la présence des lignes électriques avant le développement du quartier dans les années 50 et 60, à une époque où ce territoire était encore couvert de champs. Les habitations, maisons, immeubles… se sont donc établis dans un paysage constellé de pylônes électriques.
Les échanges avec les habitants ont témoigné de l’évidence qui traverse ces lignes, tellement présentes, tellement visibles, que personne ne les voit plus. Par delà cette évidence, le choix a été fait de renverser le statut du pylône, depuis celui d’un objet technique vers l’icône d’un monde en déséquilibre.
Défilant dans les rues à l’occasion d’une procession païenne, le pylône a traversé le quartier en fanfare, interpellant le regard des badauds avant d’être dressé, abattu et cramé sur un air de tecktonik.
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MONTS INTIMES
Date : 2020
Format et technique : projet collaboratif, outils et supports multiples, exposition virtuelleCette création se présente sous la forme d’une exposition virtuelle.
Elle présente des réalisations produites par les élèves des collèges de Saint-André-les-Alpes, de Castellane et d’Annot, durant la résidence avec Guillaume Lepoix. Chacune de ces sculptures en terre glaise représente un « mont intime ». C’est-à-dire un petit paysage totalement imaginé et créé par les collégiens. La seule consigne que l’artiste leur a donné est la suivante : Faites votre propre montagne, mais réalisez ce micro paysage comme si vous pouviez le réellement le parcourir, le gravir et l’explorer. Ensuite, les élèves ont pu donner libre cours à leur imagination tout en découvrant les techniques du modelage de l’argile.Ces réalisations ont servi par la suite à l’élaboration d’un » jeu vidéo ». En effet, après que les élèves eurent modelé en terre glaise une montagne de leur invention avec son lot de strates et d’irrégularités, de routes en corniche et de ponts improbables… Chacun des monts a ensuite été scanné en 3D puis implanté dans un environnement virtuel explorable. Le changement d’échelle, de médium a permis aux élèves, mais aussi aux spectateurs de découvrir ce monde étrange.
Au sein de ce paysage virtuel, se cachent des secrets… En effet, après avoir réalisé sa montagne, chaque élève devait enregistrer une ou plusieurs phrases qui relèvent du ressenti, de l’émotion, de l’intimité et de la confidence. Ces propos jalonnent ainsi (de façon anonyme) le cheminement de « joueur », qui partant en randonnée virtuelle, découvre aux hasards des chemins ces paroles cachées.Cette création propose un moment d’observation et de réflexion collective sur la manière dont le virtuel s’empare du naturel et le transforme, également sur la relation subjective que chaque individu entretient avec son environnement et ses mondes intérieurs.
Au-delà de l’expérience esthétique, ce travail manifeste que l’on peut faire de la modélisation 3D tout en se salissant les mains et développer des projets numérique en ayant de la terre sous les ongles. C’est un point central pour Guillaume Lepoix, car ce genre d’expérience est aussi un moyen de faire passer l’idée que le virtuel n’est en aucun point déconnecté de ce que l’on appelle le réel, mais qu’il en est bien partie intégrante.
Cette forme virtuelle est un moyen de démultiplier la présentation et la diffusion du projet, mais elle est aussi et surtout le fruit de contraintes sanitaires exceptionnelles, la résidence s’étant déroulée durant les deux confinements de 2020 dus à la pandémie de COVID19.