Aurore Besson
Née en 1976, je vis et travaille à cheval entre Anjou et Touraine.
Mon parcours est jalonné de différents apprentissages tels que le piano, le modelage, le moulage, la taille de pierre, l’ornementation ou encore la lithographie.
Par esprit de contradiction, je snobe les beaux-arts après le bac, refusant l’idée d’école, choisissant plutôt d'apprendre des techniques.
Passer le diplôme d’expression plastique en VAE à 40 ans m’a permis de disséquer ces acquis et d’analyser comment je les mettais à l’épreuve dans mes recherches plastiques.
Le titre de mon mémoire de DNSEP fût donc « Lisières », mettant en lumière, entre autre, comment ces disciplines venaient s’interpénétrer ou s’entrechoquer dans mon travail. Les strates temporelles aussi bien dans les matériaux utilisés que dans les références convoquées me permettent d'extraire des images ou volumes empruntant aux vocabulaires des domaines de l'histoire de l'art, de l'archéologie ou encore de la géologie.
Le semblant de la figure humaine est au cœur de mon travail, partant souvent de la statuaire classique figurative pour en arriver à une image morcelée, voire explosée. L’usage de l’empreinte me conduit ces derniers temps à superposer les couches de filtres tels que drapé ou iridescence. Mes dernières recherches m’orientent vers d’autres mediums, et donc vers plus de collaborations tant techniques qu’artistiques.
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Fossiles humains
2010
Croûte de Beaunotte
280 x 165 x 25cmA partir de 2010, j'entame un nouveau processus de création en taille directe sur pierre, forte de l' approche technique acquise en tant qu'ornemaniste dans la restauration du patrimoine.
Je développe un dialogue avec le contenu intrinsèque de la matière. -
La mue
2012
croûte de Lavoux
55 x 70 x 15cmtextes suivants tirés de mon mémoire "Lisières" (2016) :
Rythme (empr. au b. lat. « rhythmicus »
et celui-ci au gr. « ρ ̔ υ θ μ ι κ ο ́ ς »)En toute chose,
En toute trace,
Chercher le rythme régulier,
Dans le carottage du carrier,
une faille, une fente,
un éclat, une cassure
sur lesquels lever des fondations,
se structurer.
En toute chose,
en toute trace,
chercher le rythme répétitif,
dans les lits de pose,
dans les strates,
dans les veines, les marbrures,
dans un dessin systématique,
pour donner vie.
En toute chose,
en toute trace,
Chercher le rythme diffus
dans la manœuvre,
dans l’engrenage,
dans les mouvements insoupçonnés,
imperceptibles de la répercussion,
dans les battements
la pulsation de la mécanique.
Chercher le rythme
du geste habile.
Habile rythmique.Momies (empr. au lat. médiév. « mum(m)ia »,
lui-même empr. à l'ar. « mūmiyā »)Croûtes débitées,
délaissées.
De la même veine,
du même filon,
du même lit.
Elles sont trois,
trois bribes inséparables,
deux ans à les regarder,
à les jauger,
à déchiffrer leurs reliefs,
à n'y rien comprendre,
à ne pas oser,
par peur de les gaspiller.
Recommençons à zéro :
armature essentielle,
assise minimum.
Colonne,
vertèbres oscillantes,
côtes flottantes
rouage de l'omoplate,
Cadence ultime,
Cadence indispensable,
fluide.
Locomotive en marche
cyclique,
pour une renaissance sans fin.
Les momies nous donnent à percevoir
notre extrême finesse. -
Harmonique
2014
marbre de Campan
35 x 50 x 35cmtextes suivants tirés de mon mémoire "Lisières" (2016) :
Dissonance (Empr. au b. lat. « dissonantia »)
Fracture,
stridence,
où te caches-tu
dissonance palpable ?
Dans l’agression,
On détourne les yeux
Aux vues de tes déformations,
On se bouche les oreilles
A entendre tes disharmonies,
Le nez à ton odeur nauséabonde.
On recule à ton approche.
Là où le confort disparaît.
Grincements de dents,
crissements d’ongles,
attitudes gauches,
articulations tordues,
frottements.
Puis l’on s’y fait.
Finalement, tu es bien là.
On apprend à te regarder en face,
A te renifler, à t’écouter,
A t’approcher.
On apprend même à t’apprécier.
Tu nous as surpris.
Nous sommes embarrassés,
voilà que nous sommes émus
de si bien te comprendre maintenant.Harmonique (Empr. au lat. « harmonicus », empr. du gr.
« α ̔ ρ μ ο ν ι κ ο ́ ς »)L. va se faire opérer de l'oreille.
C. est sourde à mes attentes,
je n'arrive pas à me faire entendre.
Moi aussi je suis sourde.
Défaut de communication,
contre toute attente.
Une grosse patate informe, ce caillou.
Vulgaire, lourd.
Bourré de fissures.
un tailleur de pierre n'aurait jamais choisi ça.
Que faire d'une patate en pierre ?
Sinon de la laisser pour compte.
J'y perçois une oreille.
Je ne peux voir que ça
elle est énorme,
Plus je ponce plus elle est foncée,
douce à l'infini.
Ourlée, fragile à la fois.
C. parle de clitoris et de coeur,
je contourne, je réponds lobe, canal, entrelacs.
Lorsque je perce le conduit auditif
la pierre se fend.
Pénétration abusive me direz-vous ?
La faille était existante.
Je l'ai choisie pour cette fragilité
et je continue à percer.
Il ne pouvait pas en être autrement.
« Percer le tympan », heureuse coïncidence ! -
Différentes formes d'acquiescements
2016
lithographie sur velin d'Arches 250g
28 x 25cmLa lithographie vient amplifier la démarche entamée en taille directe et me fait retrouver le medium du dessin, tout en gardant un lien avec le calcaire.
textes suivants tirés de mon mémoire "Lisières" (2016) :
Vide (du lat. class. Vacuus)
S’immerger dans ce chaos .
Considérons notre environnement
comme désert :
vide est une page blanche,
un caillou plat,
considérons un état latent
de carence :
nue est la pierre lithographique,
considérons un état de bestialité
de bestialité nihiliste :
brute est une pierre au rebut.
Considérons les tentatives grotesques
d'envahir ce désert comme vaines.
Une certaine idée du vide.
Décryptons ce dénuement apparent.
Traces humaines,
traces du ressac,
traces géologiques
traces du vivant.
Observons ces objets du désert :
écornés, salis, souillés,
chiffonnés, brassés, manipulés,
entreposés.
Interposés… palimpsestes ?
Changeons de perception .
Le vide est plein,
trop plein, dense.
Vertigineux.Dessein (d'apr. l'ital. Disegnare)
Page blanche, obstinément.
Encre noire.
Pierre sans âme.
Je tache.
Je souille.
Jusqu'où ça coule.
Ça sèche.
Une image absurde apparaît.
Ridicule,
espèce de caricature monstrueuse.
Se laisser manipuler.
Non.
Tout mais pas ça.
C’est trop facile.
Renverser la tendance
pour contrer l'évidence,
sans complaisance.
Traces,
dessein surprenant
apparaissent pour contrer
le consensus mou.
Entre dans la danse
un peu de subtilité grinçante.
Une foule de dos
invite à la suivre dans un élan
non assumé d’acquiescement.
Détournement de fond.
Le fond devient forme. -
Historicité
2019
Exposition personnelle à la maison Bonchamps (44)
terre cuite, néons, inox, nylon, bois, miroirs
installation à géométrie variable.En 2016, à l’occasion de ma soutenance de mémoire, j’ai entamé un travail de prise d'empreintes sur mes anciens modelages, le modelage étant la première pratique sculpturale à laquelle j'ai eu accès dans mes apprentissages.
J'ai pensé à faire table rase de ces laisses mais il s'est avéré que c'était aussi compliqué de les jeter que de jeter de vulgaires objets.
J'ai donc décidé de trouver un moyen de les recycler, de leur rendre hommage.
La solution a été de les faire passer du statut d’œuvre au statut de matrice.
Ne touchant pour ainsi dire plus au modelage, j'ai remélangé et réhydraté tous les fonds de bac à terre et ai recouvert de cette boue tous les objets que j'avais modelés de mon enfance à ma vie active d'artiste. L'argile a séché, des craquelures sont apparues suivant les contre-dépouilles des pièces.
J'ai réalisé trois cuissons de ces tessons de façon empirique car je souhaitais que l’étape du feu reste vierge de tout savoir, primitive. -
Open mind
2023
terre cuite, caisson contreplaqué de bois d'okoumé, tiges métalliques, éclairage led
55 x 55 x 50cmOpen mind est tiré de l'installation Historicité, isolée et rendue autonome.